Marine Le Pen récidive sur l’IVG

Le 12 avril 2012

À l'occasion des grandes interviews présidentielles organisées par France 2 dans l'émission "Des Paroles et des actes", les 11 et 12 avril, les journalistes de données d'OWNI se mobilisent. Et vous livrent un résumé du grand oral des six principaux prétendants, à retrouver sur Le Véritomètre. Morceaux choisis du passage de Marine Le Pen.

16 minutes et 34 secondes. C’était le temps alloué à chacun des candidats pour convaincre 3,4 millions de téléspectateurs. Pour sa dernière grande interview télévisée, Marine Le Pen s’est de nouveau avancée sur ses thématiques de prédilection, la politique migratoire et le retour au franc. Tout en s’aventurant sur le terrain de données inédites, à propos de la contraception en France. La candidate du Front national (FN) y est donc allée de ses petits conseils :

En 2012, il y a quand même 15 moyens de contraception en amont pour éviter cela [une grossesse] !

La page d’accueil du portail du ministère de la Santé ChoisirSaContraception.fr recense 14 moyens contraceptifs existant en France. Avec quelques nuances, notamment concernant les “moyens naturels”, comme la méthode des températures, jugées “très imprécises et peu fiables”.

Il reste qu’avec son chiffre de “15 moyens de contraception” accessibles en France en 2012, Marine Le Pen tient des propos s’éloignant de 7,1% de la réalité, et donc imprécis selon le barème1 du Véritomètre.

Récidive sur l’IVG

C’était l’une des polémiques lancées par Marine Le Pen dans cette campagne : les avortements de complaisance. L’expression, alors vivement décriée tant par les professionnels de la santé que le monde politique, désignait les Interruptions volontaires de grossesses (IVG) multiples au cours de la vie de certaines femmes. Une pratique que la candidate FN est allée jusqu’à assimiler à un moyen de contraception. Et qu’elle propose de punir par le déremboursement de l’IVG.

Pour appuyer ses propos, Marine Le Pen s’est appuyé sur un article de presse :

Monsieur Moutel disait deux sur dix [avortements de complaisance] (…) dans Le Figaro.

Dans un article paru sur le journal Le Figaro du 25 février 2009, Grégoire Moutel, médecin en endocrinologie et médecine légale, a effectivement évoqué le chiffre de “deux [femmes] sur dix” ayant subi “deux ou trois avortements” au cours de leur vie féconde. Avant de se rétracter, et de répondre, dans le journal Le Monde daté du 15 mars 2012, que les “IVG récurrentes [représentaient] environ 3%” du total des IVG effectuées chaque année.

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ne s’avance pas autant que le docteur Moutel. Dans son rapport intitulé La prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse et publié en octobre 2009, le service d’inspection des politiques sociales précise (page 38) qu’aucune “donnée fiable et objective” n’existe à propos des “IVG récurrentes” en France. Et de renchérir, comme pour répondre à la candidate FN :

Cette situation où les partis-pris et les impressions subjectives, souvent forgées à partir de cas particuliers, tendent à l’emporter sur l’analyse objective des données de fait reflète, au-delà de l’imperfection des statistiques qui n’est pas propre à l’IVG, la spécificité d’un sujet qui reste ‘pas tout à fait comme les autres’ : peu de questions de santé publique mettent autant en jeu des points de vue personnels éthiques, religieux, philosophiques, moraux et politiques.

Un rapport complémentaire de la même Igas, publiée lui aussi en octobre 2009, délivre ainsi une seule donnée à ce sujet : les IVG récurrentes en Martinique. Elles auraient représenté 8,5% du total des IVG du département.

Impossible de dire, donc, si la situation outre-mer reflète celle en métropole. Il semble en tout cas bien exagéré de la part de Marine Le Pen de parler de 20% d’IVG récurrentes chaque année dans le pays.


Les vérifications des interventions sont réalisées par l’équipe du Véritomètre : Sylvain Lapoix, Nicolas Patte, Pierre Leibovici, Grégoire Normand et Marie Coussin.
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  1. L’équipe du Véritomètre a fixé des seuils de tolérance pour l’évaluation des chiffres des candidats : si la marge d’erreur entre le chiffre évoqué par le candidat et la donnée officielle disponible est comprise entre 0 et 5 %, nous considérons la citation comme “correcte” ; si la marge est entre 5 et 10 % on la qualifiera d’”imprécise”, enfin si la marge est de plus de 10% nous l’évaluerons comme “incorrecte” []

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