L’Internet européen, à la carte

Collecte des IP, protection de la vie privée, inefficacité des dispositifs de filtrage, dernières nouvelles d’ACTA: voilà tous les thèmes dont vous n'entendrez pas ou peu parler lors de l'e-G8. OWNI vous les présente, dans une carte des Internets européens.

Collecte des IP sous contrôle du juge, inefficacité des dispositifs de filtrage, “amis” du copyright, dernières nouvelles d’ACTA… Voilà, entre autres mets, tout ce à quoi vous ne goûterez pas lors de l’e-grand-messe qui se déroule en ce moment à Paris. Afin que le festin soit complet, OWNI propose d’enrichir le tableau du réseau dressé par Nicolas Sarkozy, Publicis et autres nababs du web présents à l’e-G8, avec une carte des Internets européens, qui replace l’utilisateur au centre de l’attention.

Le rapport à Internet des 27 pays de l’Union Européenne, ainsi que de la Norvège, de l’Islande et de la Suisse, a été scruté à la loupe. Six prismes ont été retenus:

  • Défense de la propriété intellectuelle: examen de la mise en place de dispositifs type riposte graduée; du type de cible visée (site ou internaute contrevenant ?); instauration d’un avertissement ou d’une sanction pour l’internaute; conditions de collecte des adresses IP; recours au juge…
  • Internet mobile : les utilisateurs européens peuvent-ils accéder à Internet dans sa globalité, ou le réseau est-il au contraire amputé de certaines applications et services, comme le peer-to-peer ou la voix sur IP (type Skype) ?
  • Filtrage du réseau : les pays ont-ils instauré ou rejeté le blocage ou le filtrage de certains sites, au motif de la lutte contre les contenus pédopornographiques ? L’opacité et le contrôle de la “liste noire” dressant le catalogue des sites répréhensibles, ont également été observés.
  • Adhésion à l’ACTA : nous nous sommes basés sur le rapport de la Quadrature du Net qui a opéré un classement par pays en fonction du vote de chaque euro-député sur chacune des résolution de l’ACTA. Un coefficient a été attribué à chacune des résolutions ainsi qu’une note en fonction du vote du député. Les notes globales s’échelonnent de 0 à 100. Nous avons créée un classement par pays avec trois niveaux : adhésion majoritaire, rejet majoritaire, avis partagé.
  • Liste de surveillance dite “301” : établie par le bureau du commerce extérieur américain (USTR), elle permet d’identifier les pays qui refusent notamment de mettre en place une protection “adéquate et efficace” de la propriété intellectuelle. Elle permet notamment aux Etats-Unis de faire pression sur ses partenaires économiques devant les instances de l’OMC.
    Le rapport 301, publié chaque année au mois d’avril, basé sur la section 301 du Trade Act de 1974, est une enquête complète sur l’état de la propriété intellectuelle dans le monde, les lois qui la protègent et leur degré d’application. Elle est assortie de quatre classifications, dont la 301 Priority Watch List, et la 301 Watch List. Aucun pays de l’UE n’est sur la liste de surveillance prioritaire, mais dix pays ont été listés sur la 301 Watch List au cours des cinq dernières années. Sur les dix pays, nous avons retenus ceux qui ont été retoqués sur les questions de propriété intellectuelle liées à Internet soit neuf pays : Espagne, Italie, Grèce, Hongrie, Roumanie, Suède, Pologne, Lituanie, Norvège.

La palette de critères, non exhaustive, est appelé à s’enrichir, notamment grâce à votre contribution. C’est pour cette raison que nous allons mettre à disposition le tableau qui sert de socle à cette cartographie.

De ces six examens, résulte un faisceau de postures, qui traduisent, pour chaque pays, une perception et une orientation singulières du réseau. Nous avons tenté de les classer en fonction de la place accordée à l’utilisateur au sein des dispositifs dits de “protection” mis en place. Pour chaque critère, nous avons ainsi cherché à savoir dans quelles mesures cette instauration était encadrée par des contre-pouvoirs indépendants. Dans quelle mesure elle prenait en compte les droits de l’internaute : sa capacité à jouir d’un Internet total, neutre et ouvert ; sa liberté de profiter d’une sérendipité sans traces et sans archivage. La collecte d’adresse d’IP est-elle contrôlée par un juge dans le cadre d’une lutte contre le téléchargement illégal ? Combien d’années un pays qui a décidé de transposer la directive relative à la conservation des données va-t-il garder les informations ? Les états ont-ils pris en compte les doutes suscités par l’efficacité du filtrage du réseau ?

Au finish, la France se classe devant les autres pays européens. L’incongruité d’une machine Hadopi qui vise les internautes sans prendre la peine de passer par la case juge pour collecter leurs adresses IP, l’épisode malheureux de la loi fourre-tout Loppsi 2, qui autorise le filtrage des sites en évinçant l’autorité judiciaire, au motif de la lutte contre la pédo-pornographie; une conservation des données poussée à un an, un Internet mobile qui n’en est pas un… Autant de critères justifiant la présence française en haut du classement et qui justifie le placement de l’Hexagone sous “surveillance”, récemment suggéré par Reporters Sans Frontières, dans son listing des “ennemis de l’Internet”.

La collecte d’informations n’a pas toujours été complète, notamment pour certains pays de l’Union. Elle a été facilitée par le travail et l’appui nombreuses initiatives citoyennes, telles Digital Right Watch, EDRI, Global Voices, La Quadrature du Net, OpenNet Initiative, les différents Partis Pirates européens, Privacy International, RSF et Vasistas. Par souci de probité et d’exactitude, nous avons fait le choix de ne pas mentionner les pays pour lesquels nous manquions d’informations. Là encore, cet état est appelé à être modifié, par des recherches et des prises de contacts supplémentaires.


Carte réalisée par Marion Boucharlat au design et James Lafa au développement.

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