Fichiers élèves: le CNRBE appelle les parents à faire encore valoir leur droit d’opposition

Le 31 octobre 2010

Le ministère de l'Éducation nationale estime qu'il n'existe plus de raison valable de s'opposer aux fichiers élèves puisqu'il s'est mis en conformité avec le Conseil d'État. Le collectif d'opposition à ce fichage n'est pas de cet avis.

Finies les fiches à la papa ?

Pour le ministère de l’Éducation nationale, c’est plié : il a bien mis ses fichiers élèves “base élèves premier degré” (BE1D) et “base nationale des identifiants élèves” (BNIE) en conformité, comme il l’explique dans ce communiqué de presse publié il y dix jours. Saisi voilà deux ans par deux membres du Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE), Vincent Fristot, un parent d’élève, et Mireille Charpy, une ancienne directrice d’école, soutenus par des syndicats (PAS 38 UDAS et SNUipp 38) et la Ligue des Droits de l’Homme, le Conseil d’Etat avait en juillet dernier taclé le ministère sur certains points. Dans sa décision, le Conseil d’État l’enjoignait de faire des modifications pour être en règle avec la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978. C’est donc chose faite annonce le ministère, qui souligne que le Conseil d’État en a “validé l’économie générale”. Pour lui, il n’existe donc désormais plus de raisons légitimes d’exercer son droit d’opposition : “L’utilisation de ces bases est donc à ce jour tout à fait régulière”. L’adjectif légitime est ici primordial puisque c’est la condition sine qua non pour faire valoir ce droit, stipule la CNIL.

Sans même attendre cette annonce,  une note du 7 octobre de la directrice des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale (MEN) enjoignait déjà les recteurs d’académie, les inspecteurs d’académie et les directeurs des services départementaux de l’Éducation nationale la consigne de refuser les demandes d’“opposition de parents d’élèves à l’inscription de données relatives à leur enfant dans ‘base élève 1er degré’”, avançant ce même argument d’absence de « motifs légitimes ».

Créé officiellement par arrêté ministériel le 20 octobre 2008, ce fichier a été généralisé à la rentrée 2009, après une phase expérimentale de quatre ans. Il permet selon le ministère “la gestion administrative et pédagogique des élèves de la maternelle au CM2 dans les écoles publiques ou privées.” Suite à l’action du CNRBE, les données sensibles avaient été évacuées en 2008. Son grand frère, le BNIE, est un répertoire des numéros uniques attribués aux élèves lors de leur première inscription “pour faciliter la gestion administrative des dossiers tout au long de leur vie scolaire”. Après la décision du Conseil d’État, la durée de conservation des données après la fin de la scolarité est passée de 35 à 5 ans.

Les arguments à avancer aux parents prémâchés

Dans ce long courrier sont détaillés les arguments à opposer aux parents qui feraient cette demande. Mais il oublie de préciser que la décision du Conseil d’État rétablissait aussi le droit d’opposition sur “base élève 1er degré”, comme le relève le CNRBE, mais aussi la CNIL, sur sa fiche pratique. 

En dépit de cette annonce, le CNRBE estime que le dossier des fichiers n’est pas clos. Dans un communiqué publié hier, elle souligne de nouveau que le droit d’opposition est rétabli, déplorant que le ministère n’informe pas à ce sujet.De fait, son dernier communiqué n’en fait pas mention. Elle soutient également que la Base élèves continue illégalement d’être mise en relation avec d’autres fichiers. Le collectif regrette aussi l’absence d’acte officiel publié sur la BNIE, en dépit de sa taille (potentiellement 14 millions de fiches d’élèves). La création d’un “répertoire national des identifiants élèves et étudiants (RNIE) pour 2011 serait aussi à l’ordre du jour, dénonce-t-il. Et si les données sensibles ont été supprimés, le CNRBE pointe la mise en place d’un “livret de compétences”, “sans débat ni concertation”, de fichiers de “suivi particulier” et de “la géolocalisation des adresses entrées dans les Bases élèves académiques”. Enfin, le MEN utiliserait toujours ces traitements de données à caractère personnel pour les recherches d’enfant.”

Pour toutes ces raisons, le CNRBE appelle les parents à faire valoir leur droit d’opposition et continue de demander la suppression des fichiers incriminés. Elle demande aussi l’annulation des sanctions prononcées à l’encontre des directeurs d’écoles qui refusent ces fichiers (retrait de la fonction, blâme, mutation d’office…). En septembre, on en comptait plus de 200 qui avait répondu à l’appel du collectif demandant la suppression de Base élèves.

On pourra toujours arguer que ces fichiers ne font que rationaliser une pratique jusqu’à présent artisanale : qui dans sa scolarité n’a jamais rempli une fiche avec ses coordonnées, le nombre de ses frères et sÅ“urs, les retards scolaires, les éventuels problèmes familiaux… ? Quel élève à la mauvaise réputation n’a jamais fait l’objet de commentaires entre professeurs ? L’informatisation des données instaure de fait une “traçabilité” systématique et sans faille. Enfin en principe… Et c’est finalement peut-être plus une question de principe : quel visage souhaitons-nous donner à l’école ? Remplit-elle mieux sa fonction avec ses froids fichiers ? Ou reste-t-on entre humains ?

Une annonce officielle laborieusement obtenue

Pour l’anecdote -révélatrice ?-, mettre la main sur le communiqué de presse indiquant que la mise en conformité avait été effectuée n’a pas été une partie de plaisir. Avant qu’il ne soit publié, le MEN avait simplement diffusé un CP diffusé dans la foulée du jugement du Conseil d’État annonçant juste son intention de se mettre en règle. Comme la note du 7 octobre indiquait, entre autres arguments, que “le ministère a procédé à l’ensemble des régularisations requises par les décisions du Conseil d’État”, nous sommes allés nous enquérir de preuves plus consistantes. Réponse du service de presse, sur le ton de l’aboiement : “Comment ça une preuve, mais puisqu’on l’a dit qu’on allait se mettre en conformité !”. Circulez, y a rien à lire, à part les bonnes intentions.

Nous expliquons calmement par mail au MEN que c’est un peu léger comme justification, sur un mode (gentiment) comminatoire, le ministère ayant plutôt privilégié l’opacité sur ce dossier. Sur le web aussi il y a des délais de bouclage, merci de répondre d’ici jeudi soir. Coup de fil dans la foulée, ton nettement plus aimable : “Il y a un communiqué en projet, je ne peux pas vous en dire plus, vous savez, entre le temps de l’annonce et la réalisation effective… On vous tiendra au courant par mail, et je vous appellerai.” Comme par miracle, il tombait quelques heures après.

Photo FlickR Knile

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