OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Paris touristique, ses étrangers et ses logements http://owni.fr/2011/06/12/paris-immobilier-touristique-etrangers-logements-pied-a-terre/ http://owni.fr/2011/06/12/paris-immobilier-touristique-etrangers-logements-pied-a-terre/#comments Sun, 12 Jun 2011 11:23:20 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=67099 Un constat : ici, la plaie immobilière s’appelle “placement“.

Grâce à elle, sous deux variantes, “immeubles de bureaux (vides)” pour banques ou entreprises et “investissement locatif” pour particuliers, il devient impossible pour une famille moyenne, sans héritage ou indispensablecoup de pouce parental“, de vivre, à la location ou à l’achat, dans une ville qui vire à vue d’oeil au ghetto pour riches. NDLR : ce n’est pas tant le mot “riche” qui me défrise que celui de “ghetto“, le manque de mixité sociale (habitation comme commerce) étant un des fléaux foncier et sociologique de ce pays.

Que ce soit dans les villes-banlieues, les campagnes-ghettos et les capitales-villages aseptisées, le manque de mixité débouche sur le mépris respectif des populations, permet aux communautarismes de se renforcer, aux méfiances de prospérer.

Dsl, nous le destinons à la location saisonnière, plus rentable, plus fléxible car l’idée est que nous ayons un pied-à-terre à Paris.

Comme si le locataire parisien n’en avait déjà pas assez de la pénurie de logements (artificielle, Paris est une coquille vide), de la gentrification , de l’abondance de taudis (car bizarrement la folie foncière n’a d’équivalent dans l’excès que l’insalubrité de son offre), il doit désormais faire face à la mode de la “pied-a-terrisation” de la capitale.

Il s’agit pour un propriétaire de mettre son bien immobilier rénové et meublé à la location pour la classe-moyenne supérieure (étrangère généralement et en vacances spécifiquement) ou les cadres supérieurs. Se substituant ainsi au parc hôtelier, le proprio loue son 2 ou 3 pièces à 800 euros la semaine à une famille brésilienne, russe, allemande ou américaine qui, bien dans l’air du temps, pourra “s’imprégner de la vie parisienne” sans prendre le risque de bouger de son standing habituel.

Le propriétaire a deux options :

  • soit il déclare la location et empoche une réduction d’impôt de 50%,
  • soit il opère “au noir” et empoche bien plus.

Dans le deuxième cas, l’opération est sans risque. Les sommes sont payées à l’avance, par internet, ou en cash sur place. Il y a déjà bien peu d’inspecteurs du travail, autant dire qu’une brigade de contrôle des résidences secondaires est de l’ordre du rêve : pourtant c’est bien d’évasion fiscale dont il s’agit. Elle se double d’une gonflée mécanique des loyers parisiens. Le vivier de touristes étant inépuisable, à 800 euros ou plus par semaine, les tarifs déconnectés des réalités salariales s’expliquent un peu mieux.

Le proprio accumule les baux courts, gagne bien plus (défiscalisé ou sans le déclarer) qu’en louant à des “locaux” peu à peu parias dans leur propre ville. Il ne prend pas le risque de s’embarrasser à long terme de familles (beaurk) de revenus modestes (rebeuark) et garde la disposition de son appartement à peu près quand il le souhaite, sans même à avoir à se fader la moindre visite.

La pratique d’une poignée est devenue  une mode en trois ans. Au “désolé mais vous n’avez pas les garantis nécessaires” au relent d’aristocrate plutôt embarrassant en ces périodes pré-révolutionnaires, se substitue maintenant un “désolé mais vous n’êtes pas touristes” à la ségrégation plus friendly.

Ci-dessous, l’encart décomplexé de la rubrique “placement raison” d’un “Valeurs Actuelles” du mois dernier, récupéré dans la boite aux lettres de mes voisins virtuels:

Tout va bien dans le meilleur des mondes sauf pour les irréductibles masochistes qui travaillent à Paris. Pour servir nos bienheureux vacanciers, que ce soit pour la tambouille ou les conduire avec béret à travers St-Germain-des-Près au volant de 2CV bleu blanc rouge (véridique), ils doivent s’exiler en 27eme périphérie ou cramer l’intégralité de leur paye dans un loyer pour cage à lapins (si toutefois le dossier est accepté, ce qui n’arrive jamais sans Papa et Maman, encore eux, pour se porter caution).

Je passe sur la Disneylandisation de Paris qu’entraîne l’afflux des cornets deux boules en quête d’une “authenticité” que de leur cocoon surfing et de leurs excursions en tongs Armani à la recherche de cette tarte éthérée d’Amélie Poulain ils contribuent à détruire, ou sur les désagréments quotidiens de la cohabitation avec nos aventuriers du confort en safari chez les fauchés abandonnant sur le pallier leurs poubelles improvisées dans un sac MacDo avant de reprendre l’avion (véridique again). Pourquoi s’embarrasser des coutumes sanitaires de l’autochtone ?

Carte des résidences secondaires à Paris, par Alexandre Léchenet

La pied-à-terrisation concerne également l’achat sec. Là on passe dans une autre dimension, celle de l’hôtel particulier : les surfaces s’agrandissent, les appartements s’achètent par paquet de dix, des quartiers se vident.
Dans les zones de forte tension immobilière, cette pratique doit être interdite ou très fortement taxée. Les aides doivent se concentrer sur les logements sociaux, pour les résidents, et les hôtels, pour les touristes, et non sur une énième défiscalisation aux profits des plus riches qui a pour effet direct d’exclure tous les autres.

J’ai entendu dire que la municipalité se saisissait du dossier. Pour l’instant, on se félicite que Paris soit la capitale des tournages (avec crédit d’impôt) d’une flopée de navets et de nanars à la gloire d’un Paname de magasin de souvenirs“Wait and see” comme on dit désormais ici.

Bonus : la version vidéo du billet.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Article publié initialement sur Les jours et l’ennui sous le titre Peut-on encore habiter Paris #1 : la pied-à-terrisation

Retrouvez les articles d’OWNI sur le logement

Illustration Flickr CC Isodora Cepeda et Luc Legay

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La géolocalisation est-elle soluble dans le livre numérique? http://owni.fr/2011/05/16/la-geolocalisation-est-elle-soluble-dans-le-livre-numerique-edition/ http://owni.fr/2011/05/16/la-geolocalisation-est-elle-soluble-dans-le-livre-numerique-edition/#comments Mon, 16 May 2011 08:33:48 +0000 nicolasnova http://owni.fr/?p=62209 Urban After All S01E17

En ce printemps de salons du livre multiples, les eBooks sont sur toutes les lèvres, on assiste à l’évolution progressive des projets de liseuses mais aussi des perspectives ouvertes par le numérique. Mais bien souvent c’est souvent la même rengaine que l’on entend. Or la géolocalisation, notamment dans un contexte urbain, est l’une de ces technologies qui ouvre la voie à d’autres usages.

Il s’agit au fond de prendre ces opportunités comme un moyen de dépasser le modèle actuel de “livre numérique” bien souvent compris comme banale transposition d’un contenu existant d’un support (papier) vers un autre (numérique).

Comment cela pourrait-il se traduire ? Que se passe-t-il lorsque l’on croise géolocalisation et lecture numérique ?

Géolocalisation et livre numérique WTF?!

Dans la panoplie des technologies qui font la “ville numérique” aujourd’hui, la géolocalisation tient une place de plus en plus prépondérante. L’utilisation principale de celle-ci tourne évidemment autour du guidage et du calcul d’itinéraire en voiture, en transports en commun ou à pied. Plus récemment les applications sur mobile ont débouchées sur des pratiques communautaires avec des fonctionnalités de notification de présence, de rencontre, de jeu type ARG ou encore de partage de messages attachés dans des lieux spécifiques.

Les services plus anciens et plus connus tels que Foursquare éclipsent évidemment la flopée de tentatives dans d’autres domaines. Et notamment chez les chercheurs, designers et entrepreneurs qui s’intéressent à la géolocalisation comme moyen de recombiner les possibilités d’édition de contenus. Cette perspective de livre numérique dite “homothétique” ne tire finalement guère parti des possibilités offertes par les technologies en question… et le géopositionnement est justement un moyen de proposer des expériences de lecture originales.

Au récent Salon du livre de Genève, lors d’une journée consacrée au
futur de la lecture, un des intervenants, Alessandro Catania a ainsi donné un tour d’horizon des nouvelles expériences de lecture et de mise en valeur de contenus en insistant sur les opportunités pour l’édition.

De la géolocalisation d’extraits littéraires au guide touristique

Sa présentation détaillait l’éventail des possibilités suivant l’intégration des moyens de géolocaliser le lecteur ou les contenus. Pour lui, le degré zéro de ce courant consiste à proposer des visualisations sous la forme de carte indiquant où les histoires racontées dans certains livres se déroulent. Des services permettent ainsi aux utilisateurs d’attacher une courte fiche de lecture à des villes dans lesquels l’histoire a lieu. L’idée est alors de proposer une forme de recherche nouvelle basée sur l’espace : la lectrice potentielle peut ainsi naviguer sur une carte et choisir quel roman aborder suivant l’endroit qui l’intéresse. Malheureusement, une telle approche est pauvre car le lien entre lecteur, contenu et lieu est très ténu comme le soulignait Catania dans son intervention.

Une approche plus dynamique car liée à la mobilité consiste à proposer des guides touristiques géolocalisés. Avec ce type de service, l’utilisateur-lecteur se déplace dans la ville et des contenus textuels ou visuels apparaissent au gré de ses pérégrinations. Anecdotes sur le lieu, fragment poétiques ou renvois historiques sont ainsi mis en avant. Une forme d’éditorialisation apparait ici puisqu’il est courant dans ces projets de proposer différents parcours urbains relevant de thématiques spécifiques et cohérentes. Malheureusement, le résultat est souvent limité et finalement il s’agit plus du pendant culturel des projets de marketing géolocalisé (publicités ou bons de réduction géolocalisé) que d’une expérience de lecture très originale.

Vers des expériences de lecture “situées”?

Pourtant, comme le rappelait Catania au Salon du Livre de Genève, nous avons tous des expériences de “lecture située” intéressantes. Se rendre compte que les douloureuses retrouvailles mentionnées dans le roman se déroulent dans le bar marseillais dans lequel on est assis ou découvrir un monument Romain décrit dans un livre pour mieux l’apprécier sont des exemples possibles. De même, des auteurs sont irrémédiablement liés à des environnements urbains spécifiques (James Joyce/Dublin, Allen Ginsberg/San Francisco, etc). Il devrait donc y avoir des scénarios d’usages pertinents et qui enrichissent réciproquement lecture et visite d’un lieu. Quelques pistes se dessinent.

Pensons par exemple à iBookmark. Dans ce projet de recherche, les auteurs créent des histoires pouvant varier selon la localisation du lecteur accédant au contenu sur une liseuse équipée d’un GPS. Le récit s’adapte alors aux parcours de la personne : les noms de lieux ou de monuments décrits dans l’ouvrage sont ainsi modifiés en fonction des endroits visités.

Dans un registre plus ludique, des jeux en réalité alternée ont été réalisées en partenariat avec des éditeurs de romans. Et cela, afin de renouveler l’expérience de lecture avec une composante “contextuelle” interactive. C’est le cas du projet wetellstories de Penguin Books :

Une histoire secrète est cachée quelque part sur l’internet, un compte mystérieux avec une fille qui vous est vaguement familière et qui a l’habitude de se perdre. Les lecteurs suivant son histoire vont découvrir des indices qui vont influencer son voyage et l’aider en cours de route. Ces indices vont apparaitre en ligne et dans le monde réel pour diriger les lecteur vers d’autres histoires.

Un nouveau gadget ou une interactivité pertinente ?

Les exemples décrits ici témoignent du caractère balbutiant des propositions. Dans plusieurs cas, la valeur ajoutée pour le lecteur reste faible mais ces approches doivent être considérées comme des tentatives d’explorer les possibles. Il y aurait bien plus à explorer en croisant cartes, romans, affiches, journaux dans des expériences oulipiennes géolocalisées !

A mon sens, ce qui se cache derrière ces premiers exemples, c’est une nouvelle manière de découvrir la ville en hybridant un espace physique (les lieux) et virtuels (des histoires, des fictions) pour produire ni plus ni moins que des “légendes urbaines”… On pourrait d’ailleurs imaginer un service qui permettrait de rédiger un texte automatique par son propre déplacement dans l’espace urbain. Une tel principe existe pour le cinéma avec le projet Walking the Edit qui serait potentiellement transposables aux contenus textuels…

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous sur Facebook et Twitter (NicolasPhilippe) !

Photo FlickR CC : Shakerspearsmonkey.

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Le retour des dirigeables, un fantasme qui en dit long http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/ http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/#comments Mon, 04 Apr 2011 06:30:17 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=54771 Urban After All S01E11

Vous en avez peut-être entendu parler : du 12 au 20 mars, un dirigeable a survolé Paris pour en mesurer la radioactivité (peut-être le même que celui qui survolait les banlieues en 2005, qui sait ?). Un bon prétexte pour revenir, dans cette chronique, sur la possibilité de voir un jour les dirigeables retrouver leur lustre d’antan, et pourquoi pas remplacer les avions pollueurs et bruyants (et pas uniquement pour du fret [en], mais bel et bien pour du transport de voyageurs au long cours).

L’idée ne date pas d’hier. En 2004 déjà, l’expert Jacques Bouttes s’interrogeait sur le “renouveau des dirigeables”, rappelant au passage que le sujet fait “l’objet de discussions ayant le plus souvent un caractère plus affectif que rationnel” :

Le dirigeable est un engin qui fait rêver : le souvenir des Zeppelin et plus récemment la vue dans le ciel des dirigeables, porteurs de publicité, silencieux et majestueux, ont un impact médiatique considérable.

À l’instar du monorail dont nous parlait Nicolas il y a quelques semaines, le dirigeable jouit en effet d’une certaine aura “rétro” dans l’imaginaire collectif. Qu’est-ce que cela traduit quant à notre culture de la mobilité ?

Le charme discret d'un Graf Zeppelin de 1930.

Mythe ou réalité ?

Architectes et urbanistes sont les premiers à exploiter l’engin dans leurs visions prospectives. Le blog Transit-City répertorie d’ailleurs les exemples les plus emblématiques. Une “renaissance de vieilles utopies” (voire parfois du recyclage), allant des dystopies où le dirigeable sert de “témoin” [projet “London 2100” (2010), par Ángel Martínez García, qui imagine un Londres partiellement recouvert par la montée des eaux], à d’autres créations d’envergure où le dirigeable est au centre de la vision futuriste :

  • projet “Anemorphic Airship Docks” (2008) de l’étudiant Adam Holloway, encore pour Londres, et qui pose avec pertinence la question des infrastructures architecturales nécessaires à ce mode ;
  • projet “Airbia” proposé pour le concours ReBurbia [en]
  • d’autres exemples sur Transit-City…

Plus généralement, l’aura des dirigeables peut s’expliquer par sa forte présence dans la culture populaire. Les exemples sont nombreux, et pourraient couvrir une chronique entière (c’était d’ailleurs l’idée de départ, dans la lignée de mes activités sur pop-up urbain). Citons pèle-mêle (liste évidemment non exhaustive, n’hésitez pas à faire part de vos trouvailles en commentaires !) :

Mais c’est surtout Southland Tales (2006), film magistral de Richard Kelly, qui m’a inspiré cette chronique. Le film s’achève dans un scène d’anthologie, à bord d’un “Mega Zeppelin” survolant Los Angeles (attention, spoiler possible) :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Si ces projets sont pour la plupart des créations d’anticipation, dont la fonction première est donc de faire réfléchir (sur la raréfaction des énergies combustibles, notamment), il n’en est pas moins légitime de s’interroger sur les possibilités de voir les dirigeables revenir sur le devant de la scène aéronautique. En effet, ce “renouveau” médiatisé des dirigeables n’a pas franchement rencontré le succès escompté. Comment l’expliquer ?

Guerre et paix

Selon Jacques Bouttes, l’échec des récents projets de “gros” dirigeables dans les années 2000 (ou plutôt leur non-concrétisation, car il s’agit plus souvent d’effets d’annonce peu réalistes) s’explique avant tout par le manque d’envergure des moyens mis en œuvre :

De ce fait, l’avenir des grands dirigeables ne peut s’envisager que si des industriels majeurs de l’aéronautique s’intéressent à ces nouveaux produits. Il faut, pour cela, d’abord évaluer le marché solvable, connaître les opérateurs potentiels, et enfin mettre en place des équipes et des moyens technologiques adaptés, d’un niveau industriel comparable à celui de l’aéronautique moderne. Toutes ces conditions n’ayant pas été remplies, il ne faut pas s’étonner des échecs récemment constatés.

Jusque là, rien que de très logique. Mais quelques lignes plus loin, la conclusion de l’expert laisse songeur :

L’avenir des grands dirigeables pourrait s’éclairer si les applications militaires étaient suffisamment intéressantes pour que les investissements nécessaires soient mis en place.

Dans un texte relativement critique, l’écologiste George Monbiot confirme cette hypothèse, finalement plutôt logique quand on connait le passif “militaire” des grandes techniques de notre époque (dans l’aéronautique en particulier dans un texte assez sévère à l’égard des dirigeable)s. Plus étonnant, même la pop-culture semble venir appuyer l’idée. Ainsi, les dirigeables de Batman ont une fonction sécuritaire de surveillance urbaine, et le Mega Zeppelin de Southland Tales est utilisé par l’armée US comme arme pour la “Troisième Guerre mondiale” imaginée dans le film (et fortement inspirée par l’après 11 septembre).

L’imaginaire des dirigeables semble donc marqué par une certaine “violence”. Plutôt étonnant, puisque les dirigeables sont justement considérés comme des modes “doux” et “silencieux”. On retrouve ici un paradoxe proche de celui que j’observais autour de la “ville mobile”, et qu’il m’est assez difficile d’expliquer. Est-ce lié au passé militaire des dirigeables ? À leur caractère imposant et donc visuellement plus “marquant” ?  Ou bien faut-il chercher plus loin, dans la psychologie de nos imaginaires mobiles (la vitesse et le bruit des moteurs longtemps perçus comme des valeurs positives, auxquelles ne répond donc pas le dirigeable) ? La discussion est ouverte…

La croisière s’amuse… entre riches.

En effet, l’autre versant de l’imaginaire que l’on rattache traditionnellement aux dirigeables est celui d’un transport apaisé, silencieux et non polluant. Transit-City, s’interrogeant sur les “mutations de l’aérien”, faisait ainsi une pertinente analogie entre paquebots et dirigeables comme possible avenir du tourisme :

“Les gens en ont assez d’être stressés, et nombreux sont ceux qui aspirent à une certaine lenteur”, constate ainsi le journaliste et grand voyageur Claude Villers, qui fait même le pari que si une compagnie relançait les dirigeables, il y aurait une clientèle pour ce type de transport.

C’est là, à mon sens, ce que nous apprend de plus significatif ce retour des dirigeables sur le devant de la scène. En effet, l’engouement pour ce mode de transport traduit une perception nouvelle de la mobilité : après des années de domination de la valeur “vitesse”, la lenteur regagne du terrain dans l’inconscient collectif, et le dirigeable en est un excellent témoin. Éloge de la lenteur ? Sûrement, et l’idée de ce “temps-croisière” trouve d’ailleurs un écho dans les modes de transport plus classiques, tel que le train ou le métro et bien évidemment l’avion.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Comme l’explique Transports du futur :

Dans la course à la vitesse quotidienne, il est probable que le temps libre et donc finalement la lenteur soit, sous une certaine forme, un luxe.

De là à dire que les dirigeables seront réservés à certains, il n’y a qu’un pas… que l’on peut s’autoriser à franchir, au vu des différents projets “réalistes” qui s’annoncent (hôtels volants et croisières de luxe, images de réceptions guindées comme dans Southland Tales, etc.). Faut-il en conclure que l’avenir des mobilités ne peut s’envisager qu’en termes sécuritaires et/ou d’exclusion ? Triste fantasme, que l’on tentera de démêler en imaginant d’autres perspectives plus “subversives”. Pour paraphraser la conclusion de Nicolas à propos du monorail : “il est temps d’imaginer d’autres formes possibles ou d’aller puiser dans d’autres imaginaires des espoirs nouveaux…

Image CC Flickr AttributionNoncommercialNo Derivative Works postaletrice et AttributionNoncommercialShare Alike romainguy

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous aussi sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

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Métropolis, la ville ordinaire de Superman http://owni.fr/2011/03/06/metropolis-la-ville-ordinaire-de-superman/ http://owni.fr/2011/03/06/metropolis-la-ville-ordinaire-de-superman/#comments Sun, 06 Mar 2011 15:00:37 +0000 geoffrey bonnefoy http://owni.fr/?p=49873 [Liens en anglais sauf mention contraire] La ville de Métropolis n’existe pas que dans les comics de Superman. Au fin fond des États-Unis, dans l’Illinois, une cité se targue d’être LA ville de l’homme d’acier. Pour la beauté du nom… et le tourisme. Slip rouge sur collant bleu quasi-obligatoire.

Hormis son nom, Metropolis [fr] est une ville américaine tout ce qu’il y a de plus banale. 7.000 âmes, un casino, une poste, une mairie, aucun gratte-ciel, un taux de criminalité proche de zéro et des drapeaux américains à foison. Oui, mais voilà. Avec un nom comme ça, Metropolis était destinée à mieux.

Tout commence en 1972

La statue de Noel Niell, première actrice à incarner Loïs Lane.

D’où l’idée de quelques fans de se rapprocher de DC Comics , l’éditeur de Superman, pour faire connaître la ville et la labelliser « ville officielle ». C’est chose faite en 1972, bingo. L’engrenage commence : le journal du coin est rebaptisé Metropolis Planet la même année, un festival est créé en 1979, la Superman Celebration, qui attire tous les ans quelques 5.000 fans, puis vient la statue devant le palais de justice. De deux mètres en 1986, elle passe à 4.5 deux ans plus tard. Et enfin, le musée débarque en 1993. Les célébrités se pressent au portillon, Obama en 2006, alors sénateur de l’Illinois ; les acteurs liés de près ou de loin aux films ou à la série y viennent en pèlerinage : John Schneider et Laura Vandervoort (respectivement le père de Superman et Supergirl dans Smallville), Noel Niell (aka Loïs Lane dans la série américaine de Superman des années 50). De quoi donner un bon coup de fouet à l’attractivité de la ville.

« Superman est connu dans le monde entier. Il est unique, puissant, résume Angie Shelton, responsable de l‘office de tourisme local. Il véhicule des valeurs positives de justice et de paix ; ça draine des fans de l’autre côté du fleuve à l’autre bout de la planète ! » La ville entre même dans le Guiness des records en 2008, catégorie « le plus de gens habillés en Superman ».

L’homme qui valait 7 millions

Jim Hambrick, propriétaire et créateur du musée de Superman à Métropolis, avec sa fille Kerry.

L’atout majeur de la ville, c’est bien sûr le musée de Jim Hambrick, créé en 1993. « Où aurais-je pu mieux l’installer ? », résume ce fan de la première heure. Son musée, c’est avant tout une petite partie de sa collection privée qu’il expose, la bagatelle de 7 000 pièces, sur les 45 000 qu’il a et qui sont entreposées dans un second musée. Estimation de la collection : environ 7 millions de dollars. « C’est tout ce que j’ai pu accumuler depuis mes 5 ans. Des achats personnels en supermarchés, des cadeaux, des ventes aux enchères, etc. » Autographe et costume de George Reeves [fr et en] trônent au milieu de figurines en tout genre et babioles plus ou moins utiles.
En 2010, 70.000 fans ont poussé les portes de son musée. À 56 ans, il ne veut même pas entendre parler de la retraite. « Je vis de ma passion. Je n’ai même pas l’impression de travailler. Je fais ça avec deux de mes filles, elles aussi fans. C’est un rêve devenu réalité. »

Au Planet, on entretien le mythe, forcément. Michelle Longworth, une des reporters, n’a pas eu de mal à choisir son pseudo sur Twitter : elle sera @loislane72. « Petite, je regardais les cartoons, puis les séries avec Christopher Reeve [fr et en], c’était mon superman. » Sous son bureau, trois poupées à l’effigie de l’homme d’acier, encore emballées. Le journal a même imprimé des cartes de visite collector au nom de Clark, Loïs, Perry et Jimmy. « Metropolis est une ville comme les autres, avec ce superman factor au quotidien. » Le canard ne déroge pas à la règle : sa vie locale, ses conseils municipaux, ses rares faits-divers à couvrir. Et des coups de fil de plaisantins : « Ouais, salut, j’peux parler à Clark ou Loïs ? » Poilant.

Deux supermans, un fictif et un de chair

Hommage à John Steel, qui resta accroché au clocher de l'église de Sainte-Mère-Eglise au moment du débarquement.

Comme si un homme d’acier ne suffisait pas, la ville se vante d’en avoir un deuxième. Ben voyons, deux Supermans ? Le second, John Steel est un homme tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Sa renommée, elle lui vient de son intervention en France. Militaire dans l’armée de l’air américaine, parachuté au dessus du sol français en juin 1944, il a vécu la bataille… suspendu par son parachute au clocher [fr] de l’église de Sainte-Mère-Église. Fait prisonnier par les Allemands, il s’évada quelques jours plus tard. À son retour, il n’en fallait pas plus à Metropolis pour en faire un héros aux côtés de son super-héros.

Et ailleurs, comment vit la ville ? Entre la statue de Noel Niell installée en 2010, les peintures murales et le caillou peint en vert nommé Kryptonite, il y a le club de fitness, de Lars. Pas fan de Superman pour un sou, il s’est installé en ville avec sa famille pour des raisons professionnelles. « Avec le temps, vous apprenez à apprécier Superman. » Contagion, au point d’installer une statue de Superman en vitrine, à côté de celle de Thor, du nom de son club, comme un hommage à la ville. Mais pour le festival, pas question d’enfiler des collants. Thor reste son idole et il s’habillera comme lui.

Jeunesse blasée

Erica, 19 ans, travaille chez Hardee’s, le fast-food installé en centre-ville. Superman, elle n’en est pas fan. Ni lui, ni aucun autre super-héros. Le Superman factor, elle n’y est pas sensible. Elle rêve d’autres choses. « Metropolis, c’est ennuyeux. Peu de jeunes, peu de bars, peu de divertissements, d’autant plus depuis la fermeture de l’unique cinéma il y a quelques années. Metropolis, c’est bien pour élever une famille. » Malgré tout ce que fait la ville, le Superman factor pêche sur une chose : attirer et retenir les jeunes. Erica est comme beaucoup de ses amis. Elle aimerait la quitter. Peut-être rejoindre son père, qui habite l’État voisin du Mississippi. Sans cape, ni collant.

> L’album Flickr du reportage : Welcome to Metropolis !
By Geoffrey Bonnefoy aka @clarkent2007

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Marketeux: libérez vos données! http://owni.fr/2010/08/31/marketeux-liberez-vos-donnees/ http://owni.fr/2010/08/31/marketeux-liberez-vos-donnees/#comments Tue, 31 Aug 2010 10:51:11 +0000 Alexis MONS http://owni.fr/?p=26555 C’est la fin de l’été et nous allons parler tourisme. Pourquoi? Parce que c’est un de mes domaines préférés, bien en pointe dans la mutation impulsée par les usages numériques et généralement révélateurs de ruptures. A ce titre, je vais vous expliquer qu’il va être le siège d’une nouvelle bataille dans l’accès à une ressource inattendue pour lui : les développeurs. Une compétention emblématique d’une approche marketing qui concernera bientôt pratiquement tout le monde. Bienvenue à l’ère des organisations plateformes.

Chez Google, on fête les développeurs avec des ballons

De l’art de fabriquer des silots à grain

Je lisais récemment de beaux papiers sur la performance des fonctionnalités de recherches sur les sites de tourisme. L’occasion de repenser aux SIT (Systèmes d’Informations Touristiques), dont le développement et l’énergie qu’ils engloutissent fait penser à Sisyphe.

Il y a l’hétérogénéité des systèmes et les modèles pas vraiment ouverts qui les peuplent. Passons. Il y a surtout, derrière l’idée de consommateurs experts, pour lesquels la décision sera d’autant plus acquise que les produits soient filtrables et triables à discrétion grace à un niveau de description super exigeant, sans parler des données chaudes que sont notamment celles des disponibilités.

C’est une erreur de s’enfermer dans cette approche à mon sens. Elle a en effet tous les attributs pour s’imposer une dictature des prix. D’une part en raisonnant en terme de produits banalisés interchangeables, d’autre part en externalisant l’expertise chez le client, donc en la perdant. Après, on vient me parler d’affinitaire, de marketing de l’expérience. Cherchez l’erreur. Cela dit, il y a aussi du low-cost ou du “meilleur prix”, sans parler des sites de comparaison. Comme en e-commerce en général, la pression est très forte pour exister aux yeux d’un public prétendument avide d’opportunités.

En tout état de cause, nous voilà avec des systèmes gavés de données, dont la maintenance est lourde et coûteuse, d’autant plus quand elle s’appuie sur une collecte associée à des organisations non liées par des liens de subordination.

Des apps à la pelle, mais pour quoi faire ?

Si l’on pouvait douter d’autant de moyens dépensés à nourrir les SIT, ce n’est plus le cas si l’on considère l’engouement associé aux applications mobiles. Il est tel, et suffisamment appuyé par des études définitives, que je vais vous épargner d’en faire des tonnes.

Ce qui est par contre certain, c’est que l’on assiste à la production de profusions d’applications clones, selon la conviction que le consommateur est inévitablement demandeur du guide touristique de la destination et que c’est de la responsabilité du management de la destination de le faire. En conséquence de quoi, les destinations dépensent de l’argent à développer des applications et à les promouvoir. Extension du domaine des plateformes me direz-vous. En effet, avec l’avantage que soit le contenu est parfaitement froid, soit il sort du SIT et qu’on peut même se dire qu’on fait une bonne affaire à valoriser cette montagne de données qui coûte si cher.

Il y a pourtant bien mieux à faire.

Libérer les données pour libérer les usages

Les grandes idées viennent toujours du terrain et c’est une vérité fondamentalee de l’économie moderne. On avait donc regardé avec amusement ou circonspection les promoteurs de l’open data, libération des données en bon français, ferrailler contre la puissance publique. L’exemple anglais est bien connu.

Depuis, l’opendata a fait son chemin et démontré ses possibilité. Les fondus d’e-government connaissent bien les initiatives de l’administration Obama ou encore FreeOurDatas. En France, l’exemple vient de Rennes.

De quoi s’agit-il ? Plutôt que d’inventer des services, de financer des applications et de s’évertuer à les faire adopter par le public qui n’a rien demandé, il s’agit d’investir dans la viabilité et la qualité du gisement de données, de l’ouvrir par des APIs et web services ouverts et de superviser l’appropriation par la société et l’économie. Ainsi, à Rennes, des tas d’applications mobiles sont nées en quelques mois, exploitant le gisement de données ouvertes concernant les transports publics. Aucune de ces applications n’a coûté à la collectivités.

Nous sommes ici typiquement dans une logique ouverte qui consiste à créer un écosystème économique, permettant de démultiplier le champ des initiatives au maximum, de ne surtout pas se priver d’une bonne idée et d’impulser une offre de service riche et diversifiée. Une offre que le détenteur des données ne pourrait même pas s’imaginer mettre en oeuvre en rêve.

Evidemment, la contrepartie, on perd du contrôle, d’une part, et on gagne d’autre part l’obligation de garantir le service d’accès aux données. Une obligation que l’on avait déjà tacitement de toute façon. En retour, les service et les usages se développent beaucoup plus vite, à coût très faible, suscitant de fait l’espérance d’avoir là un vai moteur de développement économique, confère ma sortie dans RSLN Mag en ce début d’année, quand je disais que la puissance publique cherche de la croissance alors qu’elle est assise dessus : libérons les données publiques !

Comme vous l’avez compris, ce que je dis, c’est que les destinations feraient mieux d’investir dans l’opendata que de s’ingénier à dépenser l’argent qu’elles n’ont pas dans des applications qui se ressemblent toutes et que personne n’a demandé.

Je le pense tellement fort que je sais que l’accès aux données, mais aussi aux contenus, est un sujet récurrent et déplaisant au sein du management interne de la destination. Les professionnels, à qui on demande de fournir de la données, toujours plus de données d’ailleurs, voient souvent cela plus comme une obligation bureaucratique que comme une contribution à la qualité du bien commun qu’est la destination, sans parler de valeur de marché. S’ils pouvaient bêtement réexploiter eux-même ce gisement, grâce à un framework simple sinon de bêtes widgets, sans doute verraient-ils d’un autre œil l’exercice et l’effort qu’on leur impose.

Les applications, nouvelle fracture numérique entre les destinations

Je le pense tellement fort que je ne peux que constater qu’il n’y a pas que les destinations qui produisent des applications. C’est un vrai marché, surtout sur les endroits qui sont porteurs, bien entendu. Il suffit d’aller taper n’importe quel nom de ville ou de territoire dans l’app-store et de compter les applis. Essayez, c’est éclairant !

Outre l’hétérogénéité des données, donc de l’information et de l’image de la destination que l’on observe entre ces applications, la mise à disposition de données ouvertes permettrait au management de la destination de s’assurer d’un minimum de cohérence dans l’information et le contenu.

Mais surtout, on ne peut que constater déjà, qu’il y a fracture entre destinations riches, naturellement génératrices d’applications, et les autres qui doivent se les payer ! Au moins les secondes peuvent-elles espérer, avec de l’opendata, abaisser l’équation économique qui pèse sur la non-réalisation d’application. L’exemple de Rennes a bien montré que cette approche faisait émerger des services de niches, impensables autrement, outre la vitesse, sans comparaison aucune, avec laquelle le bouquet de services se développe.

Sortir de l’impasse, changer de modèle, prendre le risque de l’innovation

Tout ceci est très séduisant pour nous qui baignons dans l’IT, qui sommes à l’aise avec les licences libres, creative commons, sans parler du Saas ni du Cloud. C’est même excitant d’envisager les modèles de développement crowdsourcés ou similaires à l’open-source qu’ils représentent. C’est ce que l’on appelle (donc) les organisations plateformes, car elles se positionnent comme des écosystèmes de développement de services.

Nous, agences, sommes parfaitement à l’aise avec cela car il est dans notre nature de gérer l’hétérogénéité de compétences que cela requiert, plus la culture du réseau. Il en va autrement pour le politique ou le manager de destination. S’imaginer que l’avenir d’un CRT réside dans l’animation de communautés de développeurs ne va de soit.

C’est pourtant ma conviction qu’à l’instar du datajournalism qui disrupte les médias actuellement, le marketing va vivre une nouvelle révolution à l’aune de l’opendata et des organisations plateformes. Le tourisme me paraît plus concerné que d’autres.

L’avenir appartient aux audacieux. Qui veux jouer avec moi ?

Article initialement publié sur le blog d’Alexis Mons, hébergé par la soucoupe, sous le titre “Le marketing des destinations à l’heure des données ouvertes”

Illustrations CC FLickR par Ludovic Toinel, tobybarnes

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http://owni.fr/2010/08/31/marketeux-liberez-vos-donnees/feed/ 5
France.fr, 10 000 euros par page ? http://owni.fr/2010/08/19/france-fr-10-000-euros-par-page/ http://owni.fr/2010/08/19/france-fr-10-000-euros-par-page/#comments Thu, 19 Aug 2010 13:11:55 +0000 daniel glazman http://owni.fr/?p=25395

En bon amateur de palmipède sous toutes ses formes, gastronomiques et écrites, j’ai bien entendu pris un plaisir soutenu à la lecture du Canard Enchaîné d’hier et plus particulièrement de sa page 3 qui a sorti quelques chiffres croustillants sur le nouveau www.france.fr. Ayant visité la chose, et passée la première émotion de voir un pop-over ECRIT EN FLASH présentant des excuses pour le foirage majuscule du 14 juillet dernier, je me suis demandé ce que la bête avait dans le ventre. Editorialement je veux dire. Combien de contenus différents. Quelle masse d’information. Tout ça quoi…

Et comme je suis un bon geek qui se respecte, j’ai passé quelques minutes à écrire les outils automatisant tout ça :-)

Commençons par l’aspiration du site. Évidemment un petit coup de wget -m a largement suffi à obtenir une copie locale de france.fr. Pour faire bonne mesure, j’ai viré de cette copie-miroir les traductions anglaise, italienne, allemande et espagnole, et j’ai regardé uniquement les documents francophones. Oui, mais combien y en a-t-il ?

for i in `find . -type f`; do file $i; done|grep HTML |wc
     404    1616   32929

Je n’y crois pas :-) Il y a 404 documents HTML :-) J’en ai explosé de rire, dites donc…

Pour déterminer, même approximativement, la taille du contenu utile de ces documents, j’en ai regardé quelques-uns pour trouver les éléments “maîtres”, c’est-à-dire ceux contenant la partie réellement utile à l’usager sans tenir compte de la navigation et tout ça. J’ai donc écrit le bout de code suivant, que je fournis ici uniquement pour démontrer la méthodologie utilisée. Le tout est encapsulé dans une extension à Firefox écrite en 2 minutes pour la circonstance (je tiens le XPI à disposition de qui le souhaiterait).

var gUI = {};

// juste un utilitaire
function GetUIElements()
{
  var elts = document.querySelectorAll("*[id]");
  for (var i = 0; i < elts.length; i++)
  {
    var elt = elts.item(i);
    gUI[ elt.getAttribute("id") ] = elt;
  }
}

// le startup commence ici
function Startup()
{
  GetUIElements();

  // détecter la fin de chargement de chaque document
  gUI.iframe.addEventListener("pageshow", onIframeLoaded, false);
  // démarrer le chargement avec le premier document du tableau
  LoadFranceFr();
}

var gIndex = 1;
var gLength = 0;

function LoadFranceFr()
{
  gUI.iframe.setAttribute("src", "file:///Users/glazou/france.fr/www.france.fr/" + kDOCUMENTS[gIndex-1]);
}

function onIframeLoaded(aEvent)
{
  var src = gUI.iframe.getAttribute("src");
  var doc = gUI.iframe.contentDocument;

  var articles_list = doc.getElementById("articles_list");
  var article_wrapper = doc.querySelector(".article_wrapper");
  var maincontent = doc.getElementById("main-content");

  var contentElt = articles_list || article_wrapper || maincontent;
  if (contentElt) {
    var row = document.createElement("row");
    row.setAttribute("align", "center");
    var label0 = document.createElement("label");
    label0.setAttribute("value", gIndex);
    var label1 = document.createElement("label");
    label1.setAttribute("value", src.substr(src.lastIndexOf("/") +1));
    var label2 = document.createElement("label");
    var length = contentElt.textContent.length;
    label2.setAttribute("value", length);
    row.appendChild(label0);
    row.appendChild(label1);
    row.appendChild(label2);
    gUI.summaryRows.insertBefore(row, gUI.summaryRows.firstChild);

    gLength += length;
    gUI.totalLabel.setAttribute("value", gLength);
  }
  else {
    var row = document.createElement("row");
    row.setAttribute("align", "center");
    row.className = "wrong";
    var label0 = document.createElement("label");
    label0.setAttribute("value", gIndex);
    var label1 = document.createElement("label");
    label1.setAttribute("value", src.substr(src.lastIndexOf("/") +1));
    var label2 = document.createElement("label");
    label2.setAttribute("value", "");
    row.appendChild(label0);
    row.appendChild(label1);
    row.appendChild(label2);
    gUI.summaryRows.insertBefore(row, gUI.summaryRows.firstChild);
  }

  gIndex++;
  if (gIndex < kDOCUMENTS.length)
    LoadFranceFr();
}

Dans ce code, kDOCUMENTS est un tableau dont les éléments sont les URLs locaux des 404 documents pré-cités. Le code ci-dessus va charger chaque document dans un iframe XUL, attendre patiemment que ce chargement soit effectué, trouver le contenu utile, déterminer sa taille par un elt.textContent.length (oui je sais c’est très généreux, ça compte des flopées d’espaces), agréger les résultats et passer au document suivant tant qu’il y en a. Et voila le résultat :


Bien entendu, mes chiffres sont des approximations, un ordre de magnitude. On pourra toujours arguer du fait qu’il y a un peu de contenu dans la barres de navigation ou a contrario qu’il y a des listes de liens redondantes avec la navigation dans le contenu utile. Quoiqu’il en soit, www.france.fr c’est donc en gros 400 documents totalisant environ 520 000 caractères.

Si les chiffres du Canard Enchaîné sont exacts – et je ne doute pas qu’ils le soient – www.france.fr est donc pour 4 000 000€ un des sites les plus chers de France depuis la création du Web. Chaque document unique du site aura in fine coûté 10 000€ ! Chaque caractère utile du site lui aura coûté presque 7,70€.

(Nota bene: tout cela est sous réserve du bon fonctionnement de mon aspiration du site ; si les chiffres réels peuvent être un peu différents, l’ordre de magnitude lui ne saurait énormément varier)

Encore bravo au SIG, Service d’Information du Gouvernement, et son patron Thierry Saussez. Mes plus chaleureuses et sincères félicitations aux prestataires qui sont intervenus pour eux. C’est du Grand Art, des deux côtés.

Publié initialement sur <glazblog/>

Image CC Elliot Lepers pour OWNI

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http://owni.fr/2010/08/19/france-fr-10-000-euros-par-page/feed/ 14
France.fr: nouvelle spécialité, le sauté de bugs aux fails http://owni.fr/2010/07/15/france-fr-nouvelle-specialite-le-saute-de-bugs-aux-fails/ http://owni.fr/2010/07/15/france-fr-nouvelle-specialite-le-saute-de-bugs-aux-fails/#comments Thu, 15 Jul 2010 13:16:45 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=22123 Quel beau symbole : lancer France.fr, le portail officiel de la France le 14 juillet. Sauf que l’objet a attiré les railleries en rafale. Prudent, la HP annonçait pourtant la veille “lancement en 2010″. Ils auraient été bien inspiré de travailler plus le cher bébé - 1,6 millions d’euros – que de précipiter sa mise en ligne. S’il y avait urgence à lancer un portail, puisque la première destination touristique du monde n’en avait pas encore, patienter quelques semaines de plus pour peaufiner la chose eût été préférable, comme le montre cette petite revue de fails en mode mi-crowdsourcé via Twitter. La liste n’est pas exhaustive, sinon on y aurait passé la journée.

Sans rien toucher, dès la HP, c’est franchement LOL :

La France est composée de 7 massifs, caractérisés par une population chaleureuse.

Et les Français portent un béret. On peut lire aussi que notre beau pays a “un littoral très préservé”.

C’est ballot, le bilan de vingt ans d’application de la Littoral réalisé par le Comité français de l’Union mondiale pour la nature (UICN) indiquait que :

Cette loi importante, qui initiait en 1986 une politique volontariste de préservation des espaces remarquables et de gestion intégrée des zones côtières, a été mal appliquée et érodée.

Pages non accessibles

Explorons le site, enfin essayons. Les visiteurs sont par exemple tombés sur des erreurs 404. “Les rubriques Histoire, Économie et Institutions et valeurs sont vides” indique encore @eni_kao. “Le site France.fr est moche mais drôle. Cartes interactives : Monuments, Unesco et… Pôle emploi“, note-t-il aussi.

Quand les rubriques sont remplies, ce n’est pas toujours ça. À la rubrique Edito, on a ainsi droit à du lourd. Un poème de Carla Bruni sur la beauté du pays ? Nenni, “on peut lire la recette du far breton aux pruneaux“, note @monsieurkaplan.

Paradoxalement, ce site destiné aux touristes n’est traduit qu’en quatre langues, dont le choix a suscité des ricanements mérités : anglais, allemand, italien et espagnol. Pas de chinois, ni d’arabe. Il ne faut pas beaucoup de mauvais esprit pour mal interpréter la chose…

Nos confrères de PC-Impact ont aussi vu que le site n’était pas aussi conforme aux normes qu’il l’affirme.

Les mentions légales indiquent par ailleurs que France.fr « est développé selon les recommandations du Référentiel général d’accessibilité des administrations (RGAA) et les normes W3C ». Un test sur le site validator.w3.org révèle plus d’une dizaine d’erreurs sur http://www.France.fr et 20 avertissements(*).

Par ailleurs, soucieux des utilisateurs handicapés, le site “est accessible à tous, sauf en cas de force majeure” a relevé @ls01

Des fois que l’internaute aurait envie de piquer du fail, il est précisé “Tous droits réservés SIG-2010“. Et si on a le droit de linker, et même de deeplinker, “La mention explicite du site France.fr dans l’intitulé du lien est impérative.” Pratique. On leur souhaite bien du courage pour faire appliquer la consigne.

Sur la forme, le site est loin d’être nickel. @monsieurkaplan toujours, SR de métier, note avec regret que “les guillemets sont ANGLAIS.” Nous avons pour notre part aussi noté que l’espace avant un point d’exclamation n’était pas toujours présent, là encore un emprunt au monde anglo-saxon.

L’esthétique du site en prend aussi pour son grade, par des critiques lancées par des designers. Pour @nodesign,La charte graphique de france.fr est de Ora-Ito, un coup de poignard dans le design.” “Un people qui bosse pour des people.” [il a entre autres travaillé pour Adi­das, le groupe AIR, Thier­ry Mu­gler, Le­vi’s, David­off, Nike, Ken­zo, Guer­lain, ndlr] Le bling-bling n’aurait donc pas totalement disparu. De son côté, @bdrouillat juge que “la France a besoin d’un peu de design“.

HS le jour du lancement

Dans ce contexte, que le site soit complètement HS le jour de son lancement est finalement un moindre mal. Naturellement, il ne s’agit d’une erreur : “France.fr est victime de son succès“. C’est plus correct de que de reconnaître que les capacités d’hébergement ont été sous-estimées.

Là encore, c’est l’occasion de loller, comme @NotAFri3nd : Vous cherchez à savoir dire “Site momentanément indisponible” en anglais, en allemand, en espagnol et en italien ? C’est ici : www.france.fr“. @guybirenbaum se lance, lyrique : “Ne m’appelez plus jamais France… La France elle m’a laissé tomber…

Même sur cette page d’erreur, il y a un problème : @jprieur signale que “http://france.fr déclare l’indépendance de la Bretagne et du Nord-Pas-de-Calais

Et @bigdjim de conclure :

On n’est pas gatés avec les équipes de France : “l’équipe de France.fr vous prie de l’en excuser”

Ceci dit, n’était-ce pas un peu prévisible ? En matière de fail, nous n’en sommes pas au premier fail : Geoportail, Elysee.fr… Encore un complot de ce sale trotskiste d’Edwy Plenel /-)

TechCrunch s’en amuse

Tout cela amuse beaucoup TechCrunch, nos confrères américains :

Il y a cette blague sur la Révolution Française qui dit que le seul peuple que les Français peuvent battre, ce sont les Français eux-même. Mais je ne vais pas la refaire. A la place je dirais juste :

Vive la France ! [en Français dans le texte, ndlr]

Les commentaires de l’article moquent plus ou moins gentiment le projet et les Français :

Cela me fait penser qu’il y a vraiment un juste milieu entre travailler 14 heures par jour et prendre une pause déjeuner de deux heures avec une bouteille de vin. En général, cependant, les développeurs français semblent vouloir faire comme leur équipe de foot. Oh, et bon 14 juillet !

Pour le gouvernement Français, voici une arme secrète des Américains peu connue : http://httpd.apache.org/docs/2.0/programs/ab.html

Pour avoir vécu à Nice six mois, je peux vous certifier que la plupart des Français DÉTESTENT les langues étrangères

Finalement, le SIG (service d’information du gouvernement) a annoncé le jeudi de la semaine suivante que la remise en service de ce “site complet et complexe” était prévue “dans la deuxième quinzaine du mois d’août”. Sur la HP, un nouveau message s’affiche, remerciant entre autres “tous les internautes qui nous ont aidés dans cette chasse aux bugs”.

Nos voisins font-ils mieux ? Allez regarder les sites de l’Italie, de l’Allemagne, de l’Espagne

À lire aussi : J’ai un ami chinois qui est mort de rire ; France.fr : les erreurs à éviter lors du lancement d’un site d’envergure

Image CC Flickr willem velthoven

Traduction : Martin Untersinger

MAJ le jeudi 22 juillet.

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http://owni.fr/2010/07/15/france-fr-nouvelle-specialite-le-saute-de-bugs-aux-fails/feed/ 44