OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La magie noire de Disneyland Paris http://owni.fr/2011/11/22/la-magie-noire-de-disneyland/ http://owni.fr/2011/11/22/la-magie-noire-de-disneyland/#comments Tue, 22 Nov 2011 13:42:05 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=87785

Le 26 septembre dernier, Disneyland Paris se félicitait d’avoir signé avec les syndicats un accord pour mieux gérer les risques psychologiques touchant les 14 700 employés du parc d’attraction. Un message rassurant, adressé aux rédactions, pour faire oublier les trois suicides de salariés survenus au printemps 2010. Depuis, de saines relations de travail auraient été rétablies. Pas si sûr. L’enquête que nous avons menée sur place met en évidence des relations de travail souvent exécrables, au moins jusqu’en 2011, et de curieuses accointances entre syndicats et direction.

Selon un rapport interne confidentiel, daté de mai 2011 et dont nous avons obtenu une copie (voir plus bas), les relations entre salariés et direction sont marquées par une forme d’agressivité systématique. Et les situations décrites évoquent, régulièrement, des pratiques s’apparentant à du harcèlement moral.

Ce document de 32 pages synthétise deux audits réalisés par le cabinet MCS et par le cabinet Hay Group, et effectués quelques mois après le drame de 2010, à la demande de la direction du parc de Marne-la-Vallée et de la direction du groupe (la Walt Disney Company). Plus de 50% des salariés ont été interrogés dans ce cadre de ces études. Objet : évaluer les «facteurs socio-organisationnels du stress au travail». Cette synthèse n’a été diffusée dans son intégralité qu’aux principaux responsables du parc et aux membres de son comité d’entreprise.

Salariés surchargés et non soutenus

En premier lieu, le document mentionne des sentiments positifs, exprimés par les salariés. Comme la «fierté d’appartenir à l’entreprise» et la «bonne ambiance». Mais plusieurs critiques multiplient les ombres au tableau.

L’un des enseignements des deux études porte sur le fait que les salariés ont le sentiment fort d’une surcharge de travail, et ce à l’unanimité (…) Par ailleurs, parallèlement à la surcharge, il règne un sentiment d’injustice par rapport à la manière dont le travail est réparti (…) L’une des conséquences directes de cette surcharge est un ressenti important d’un déséquilibre entre vie privée / vie professionnelle (…) Moins d’un collaborateur sur deux considèrent que son manager direct l’aide à atteindre un équilibre raisonnable entre vie privée / vie professionnelle.

Pire encore, le niveau de concentration requise pour l’exécution des tâches est vécu comme une souffrance à l’unanimité, selon les auteurs du document, et cela tous statuts confondus. C’est également tous statuts confondus et à l’unanimité que les salariés ont l’impression que la direction générale n’aurait pas conscience de la réalité du terrain.

Enfin, les employés Disney dénoncent de façon récurrente une forme de copinage qui permet à certains de progresser dans l’entreprise. À en croire le document, le fait d’entretenir de «bonnes relations avec les managers» assurerait des perspectives d’évolution de carrière ainsi que d’obtention de bonus.

Un océan

Face à ces dysfonctionnements, un accord sur les risques psychosociaux a été ratifié le 1er septembre par une majorité de syndicats, mais après douze réunions réparties sur 18 mois. Celui-là même à l’origine du communiqué rassurant émis par Disneyland Paris le 26 septembre. Ce texte d’une vingtaine de pages redéfinit les rôles de chaque personne pour prévenir les risques de suicide, accentue la formation, la prévention et définit des sanctions en cas de harcèlement. Des mesures très insuffisantes pour Patrick Maldidier, responsable de l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), qui a refusé de signer cet accord :

Il y a un océan entre l’accord que nous avons proposé et celui qui a été signé. La situation sociale est encore pire qu’avant (…) Rien n’a été fait pour permettre aux salariés d’arriver dans de bonnes conditions le matin en allant au travail.

Pas de crèche pour les bébés Disney

Selon lui, les problèmes du stress au travail ne sont pas «réglés à la racine». Tandis que des problèmes logistiques importants pèsent au quotidien. Par exemple en matière de logement :

La plupart des logements du parc sont réservés aux saisonniers. Alors les permanents doivent acheter ou louer dans la région mais les coûts sont surélevés. Les niveaux de salaires sont très bas puisque la moyenne des salaires est de 200 euros de plus que le SMIC. La situation actuelle est catastrophique car, en se sédentarisant, on a du mal à payer un loyer avec un salaire bas.

Dans la même veine, on découvre que le groupe Disney aurait refusé d’installer une crèche d’entreprise, pour ses centaines de salariés qui ont des enfants en bas âge :

Ce n’est plus la même population qui a commencé, ils se sont mariés et ont eu des enfants. Alors naturellement, on a proposé la mise en place d’une crèche pour les salariés de l’entreprise mais il y a eu opposition de la part de la direction. Ils justifient leur refus en disant que «le coût est élevé» et qu’ils «ne pourront satisfaire tout le monde». Alors, autant ne rien faire pour personne. C’est hallucinant.

Contacté dans le cadre de cette enquête, Laurent Manologlou, responsable de la communication de Disneyland Paris, n’a pas souhaité être cité. Pour toute réponse à nos questions, il nous a transmis un texte de quelques lignes rédigé par la directrice des relations sociales de Disneyland Paris, Karine Raynaud, portant sur la négociation de l’accord de septembre :

Il faut bien avoir à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’une négociation isolée, mais qu’elle s’inscrit dans un contexte de négociations intenses. En juin 2011, la direction comme les organisations syndicales avaient sans doute besoin de marquer un temps de pause pour prendre le recul nécessaire afin de passer outre cette situation de blocage apparente. Nous étions confrontés à des points de blocage forts, de la part de certains négociateurs, sur des sujets comme l’amélioration des dispositifs d’aide au logement ou encore la multiplication des crèches d’entreprise. Or ce sont des sujets sur lesquels nous menons d’autres négociations en parallèle, et surtout qui impliquent d’autres acteurs extérieurs à l’entreprise, comme les organismes collecteurs du 1% logement ou les collectivités territoriales. Autre point de désaccord sur lequel nous avons pu travailler, certains négociateurs considéraient que nous ne distinguions pas suffisamment ce qui relevait de démarches de sensibilisation et de démarches de formation. Nous avons remis à plat la question de la formation, que nous réservions initialement aux directeurs généraux et managers. J’ai compris, lors de mes entretiens bilatéraux, au cours de l’été, que nous avions la possibilité d’aboutir en avançant sur ce point. Avec quatre organisations syndicales signataires, représentant 65% des suffrages au cours des dernières élections, nous avons conclu un accord équilibré.


Photos et illustrations par Môsieur J [cc-by] et Ti.mo [cc-by-nc-sa] via Flickr

Crédit une Loguy pour OWNI

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Sous-traitants, “sacrifiés du nucléaire” http://owni.fr/2011/04/04/sous-traitants-sacrifies-du-nucleaire/ http://owni.fr/2011/04/04/sous-traitants-sacrifies-du-nucleaire/#comments Mon, 04 Apr 2011 16:10:18 +0000 Elsa Fayner http://owni.fr/?p=54609 Ils sont près de 30 000 en France, des intérimaires qui travaillent pour des entreprises prestataires. Car aujourd’hui, les sous-traitants assurent 80% des activités de maintenance des centrales, contre 50% au début des années 90. Pendant que les durées d’intervention ont été réduites par deux, pour effectuer toujours les mêmes tâches. Résultat : les nomades passent de plus en plus vite de centrale en centrale.

La relève n’est plus assurée

D’autant plus que, depuis 2005, le personnel vient à manquer. Après plus de vingt ans de traversée du désert, le nucléaire français retrouve des couleurs, mais s’inquiète : les pionniers du nucléaire partent à la retraite et la jeune génération ne souhaite pas prendre la relève. Trop pénible. Alors, les mêmes intérimaires tournent sans relâche et leurs conditions de vie se dégradent au fur et à mesure.

Leur maison : un camping-car

Au pied du château de Chinon, le camping ne désemplit pas. Les propriétaires locaux leur louent de leur côté un bout de champ, une caravane ou un mobile home, parfois une pièce, à côté de leur belle demeure ou dans la cour de la ferme.
L’Office du tourisme répartit les offres. Pendant que les vendeurs de kebabs, les laveries et les magasins fleurissent sur leur passage. Le soir, les intérimaires se retrouvent au bar, animant les petites villes en déclin. Parfois, ils retournent à la centrale de nuit, pour optimiser leur présence. Dormir quelques heures, entre deux interventions, dans les vestiaires.

80% des doses d’irradiation pour les intérimaires

Ces travailleurs, dits « extérieurs », effectuent l’essentiel des tâches de maintenance des centrales et supportent plus de 80% de la dose collective annuelle d’irradiation reçue dans le parc nucléaire français.

Alors, ils sous-déclarent leurs expositions aux radiations : les intérimaires ayant atteint la dose limite se voient interdits d’entrée en centrale. C’est leur moyen de préserver leur travail. Pas leur santé.

Pour limiter les dégâts, ils s’échangent conseils et recommandations. Le soir, au bistrot, ou à l’heure de l’apéro au camping, quand sortent les grandes tablées, ils ne parlent que de ça. De la centrale de Gravelines, où il faut faire attention à tel tuyau, à tel boulon. De celle de Tricastin, où l’omerta règne, mais dont certaines salles sont particulièrement dangereuses. C’est au comptoir que s’échangent les expériences, les savoir-faire, le métier, leur passion qui les ronge. De mars à octobre, chaque année, la période pendant laquelle la maintenance des centrales doit être effectuée.

L’hiver pour se soigner

L’hiver, ils se retrouvent en famille, et souvent au chômage. Certains redeviennent boulanger, commerçant, ouvrier. Quand d’autres se sont spécialisés dans le risque, et passent l’hiver dans la pétrochimie ou le déflocage de l’amiante.
Dans tous les cas, les problèmes de santé les rattrapent vite : troubles du sommeil, anxiété, leucémies, cancers, et tentatives de suicide. Depuis 1995, les syndicats sont en alerte. Cette année-là, cinq suicides de travailleurs extérieurs ont été enregistrés à la centrale de Chinon. Depuis, les tentatives se sont succédées. Autre signe : en 2003, la mutuelle de la centrale de Paluel (Seine-Maritime) remarque que 80% des feuilles d’assurance-maladie traitées prescrivent des calmants.

Billet initialement publié sur le blog d’Elsa Fayner, “Et voilà le Travail

À lire aussi sur le même sujet :

« Nous qui travaillons en zone à risques, notre crainte, c’est de rester enfermés dans la centrale », témoignage d’un sous-traitant du nucléaire

« Je me souviens d’un gars qui s’est exposé aux radiations pour préserver la sécurité de la centrale »

Image AttributionNoncommercialShare Alike nagadoudi

Une Marion Boucharlat

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Japon: et si la vie ne tenait qu’à un tweet? http://owni.fr/2010/07/30/japon-et-si-la-vie-ne-tenait-qua-un-tweet/ http://owni.fr/2010/07/30/japon-et-si-la-vie-ne-tenait-qua-un-tweet/#comments Fri, 30 Jul 2010 13:24:12 +0000 Scilla Alecci, trad. Suzanne Lehn http://owni.fr/?p=23482

Image by Loguy

L’Agence Nationale de Police a publié récemment les résultats de son étude annuelle sur le suicide au Japon. Selon les statistiques officielles [en japonais, pdf], 32.845 personnes ont mis fin à leurs jours l’année dernière, et on enregistre une augmentation spectaculaire des victimes âgées de 20 à 40 ans ; les motifs principaux [en japonais] invoqués sont les problèmes 1) de santé, 2) économiques et sociaux, 3) familiaux.

Eclairage bleu rue Shinjuku (Tokyo). Photo jediduke

Tristement connu comme l’un des pays développés au taux de suicide par habitant le plus élevé [en anglais], le Japon essaie depuis des années d’affronter le problème, en s’y attelant à tous les niveaux de la société. Les pouvoirs publics et les autres organismes lancent sans relâche des campagnes de sensibilisation et invitent les gens à se tourner vers les centres d’aide chaque fois qu’ils se sentent déprimés ou convaincus que la seule issue à leurs problèmes, ou, souvent, à ceux de leurs proches, est le suicide.

Décider de parler à quelqu’un, réfléchir et définir les causes de leur désespoir, est un pas très difficile que peu de personnes en situation de dépression sont vraisemblablement en mesure de franchir. Pourtant, même s’il ne peut s’agir d’une panacée, d’aucuns pensent qu’Internet pourrait être un outil utile, surtout parmi les jeunes générations technophiles.

À cet égard, Twitter a récemment fait l’objet d’un débat chez ceux qui voient dans son format de 140 caractères un potentiel de contact avec ceux qui cherchent de l’aide mais préfèrent garder l’anonymat et ne savent pas exprimer leur souffrance en phrases longues et bien construites.

Miroir anti-suicide, à Sapporo. photo MJTR (´・ω・)

Yamabe raconte que la nouvelle [en anglais] que l’actrice Demi Moore aurait retenu une femme de se suicider en tweetant un message de 16 mots il y a peu l’a fait réfléchir à la question :

“J’y ai un peu réfléchi et me suis aperçu qu’en réalité prévention du suicide et Twitter pourraient aller de pair.
Avant tout, les relations à travers Twitter sont plus informelles, ce qui facilite l’écriture. Lorsque le sentiment émerge pour la première fois que la vie est décevante ou déprimante, sans pour autant aller jusqu’à vouloir y mettre fin, c’est un stade où ce sentiment pourrait être tweeté – le sentiment qu’on ne peut plus continuer ainsi et qu’il vaudrait peut-être mieux disparaître de ce monde.

On pourrait donc utiliser Twitter non seulement pour la prévention proprement dite du suicide, mais aussi pour inhiber l’apparition de cette étape préalable, la pensée de l’envie de mourir. Pour les suicides résultant d’un désespoir total, si on peut tweeter le désespoir, cela aidera peut-être à s’apercevoir qu’on n’est pas seul….”

“La ligne étroite séparant la vie de ‘l’autre côté’”

Nombreuses ont été les opinions [en anglais] émises sur une question aussi complexe, dans une tentative

d’analyser les implications sociologiques qu’a ‘l’acte de suicide’ au Japon, où il était traditionnellement considéré à une époque comme un acte de courage. Non seulement dans la culture des samouraï mais aussi à la campagne, où il était fréquent que les personnes âgées décident de se ‘retirer’ dans les montagnes [en anglais] plutôt que d’être un fardeau pour leurs familles.

Mais si le nombre de victimes ne va probablement pas décroître, cela signifie forcément que les causes sont difficiles à identifier, et certains blogueurs, comme Ayasan, sont sceptiques quant au pouvoir de Twitter et de l’Internet en général :

“Il y a beaucoup de manières d’interagir en temps réel, comme d’utiliser Twitter ou un chat room, où on ne sait pas qui est en face ni qui vous êtes. Certes il peut être possible techniquement d’identifier l’individu derrière le PC mais en temps réel, c’est quasi impossible. Voilà pourquoi, dans de telles circonstances, je trouve très dangereux que la vie de quelqu’un puisse être confiée à un outil qui permet des interactions aussi libres. […]

J’ai écrit dans un article passé que ‘les mots ont le pouvoir de tuer’. Le choix des mots, l’usage des caractères et la nuance de la phrase entière sont très importants. La personne qui vacille sur la ligne étroite séparant la vie de “l’autre côté” est très sensible et réagit à chaque expression, et prend très vite des décisions d’y aller ou pas. Comment être sûr que la personne avec laquelle on interagit par l’intermédiaire d’un PC agit vraiment de bonne foi ?

Je voudrais féliciter ceux qui croient réellement qu’avec le genre de liens qu’on peut nouer par Internet, l’état d’esprit d’une personne pensant sérieusement ‘je me sens si seul/e que je veux mourir’ peut vraiment être détourné de son but. Ou peut-être manquent-ils d’imagination.
Oui, communiquer par Internet avec un/e inconnu/e peut apporter un soulagement temporaire mais je ne crois pas que cela puisse apporter une idée ou une solution durables.”

Campagne de prévention du suicide. photo titincai. Le texte dit : "Vous pensez à mourir ? Communiquez vos pensées"

“Le web d’aujourd’hui a le pouvoir de connecter”

Si des mesures préventives telles que des barrières et un éclairage aux LED bleues sur les quais de gares (sauter du train est une méthode favorite de ‘mettre fin à soi’) ne se sont pas avérées efficaces contre les suicides, certains considèrent que, à l’ère des blogs, de Twitter et Facebook, les services de réseaux sociaux peuvent être un moyen neuf de contribuer à la solution du problème.
Ikeda Hayato croit au pouvoir des médias sociaux :

“Dans le web ‘à l’ancienne’, la voix de ceux qui souffrent aurait pu rester ignorée, mais avec le web actuel, où les schémas sociaux (relations humaines, relations de données) sont structurées et disponibles, élever la voix peut vous connecter à quelqu’un.
M. Suzuki de Wonder Shake (@Doubles9124), m’a envoyé ces mots par Skype :” Les médias sociaux représentent l’espace où il est possible de générer un processus de décision pour changer une vie”. S’il est possible de prévenir les suicides, ce serait l’usage suprême d’un processus de décision pour changer une vie.
Ce que j’ai trouvé vraiment choquant, c’est que le nombre de suicides augmente chez les 20 à 40 ans. Il est certes impossible de résoudre chaque problème personnel par la technologie mais le web d’aujourd’hui a le pouvoir de connecter et ce serait merveilleux si, par l’usage du web social, la vie ne serait-ce d’une seule personne pouvait changer et être sauvée.”

Billet initialement publié sur Global Voices

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Mourir pour un iPad ? http://owni.fr/2010/05/28/mourir-pour-un-ipad/ http://owni.fr/2010/05/28/mourir-pour-un-ipad/#comments Fri, 28 May 2010 14:51:07 +0000 Arnaud Bihel (LES NOUVELLES news) http://owni.fr/?p=16840 Attention, voici venue l’ère de l’iPad. La tablette numérique d’Apple arrive à disposition des Européens vendredi 28 mai dans un grand élan de célébration médiatique. Mais tandis que des ONG profitent de ce symbole technologique pour mettre en question la « société de gaspillage », des suicides en Chine viennent aussi gâcher la fête. À la veille de l’événement, l’anglais The Independant se montrait offensif à la une (relevée par @rrêtsurimages) :

Sous le titre « Mourir pour un gadget ? », le quotidien appose une image de l’iPad et celle de Ma Xiangquian, ouvrier chinois « poussé au suicide, dernière victime des conditions de travail inhumaines dans les usines électroniques d’Asie ». Et l’article poursuit :« Le lancement de l’iPad terni par les préoccupations sur son coût humain ». Ma Xiangquian est l’un des dix employés de l’usine Foxconn de Shenzen, en Chine, à s’être donné la mort sur son lieu de travail depuis le début de l’année, et trois autres tentatives de suicide y ont été comptabilisées.

Foxconn, appartenant à un groupe taïwanais, compte 300 000 salariés à Shenzen et est le principal sous-traitant d’Apple qu’il fournit en iPhones, iPods et iPads. Le complexe fabrique également des produits pour d’autres géants de l’informatique comme Sony, Dell ou HP.

Chanteurs et filets anti-suicide

Mais c’est évidemment le plus médiatique d’entre eux, Apple, qui se retrouve sous les feux de la presse, prompte dans le même temps à célébrer l’arrivée de l’iPad. La firme à la pomme se dit « attristée et bouleversée » par cette vague de suicides et a indiqué son intention d’enquêter sur les conditions de travail dans l’usine Foxconn.

Face à la médiatisation récente de ces suicides, Foxconn nie tout malaise et a accueilli la presse, cette semaine, pour montrer entre autres la piscine du complexe, tandis que ses dirigeants assurent que les suicides sont liés à des raisons sentimentales, et non aux conditions de travail. La compagnie a également annoncé avoir fait appel à 2 000 chanteurs, danseurs et profs de gym pour travailler dans la joie. Mais n’a pas oublié non plus de faire signer à ses ouvriers une promesse de ne pas attenter à leurs jours et, au cas où, compte installer des filets anti-suicide.

Une usine mise en cause depuis au moins deux ans

Dès août 2008, pourtant, les conditions de travail dans l’usine géante étaient pointées du doigt dans un rapport de l’organisation China Labour Watch. Journées de travail pouvant dépasser dix heures, avec des heures supplémentaires non payées, humiliations, pressions, dortoirs où s’entassent les ouvriers (qui sont nourris et logés par leur employeur)…

En juillet 2009, Foxconn se trouvait à nouveau mis en cause, après le suicide d’un ouvrier accusé d’avoir volé un prototype d’iPhone. Et à nouveau China Labour Watch dénonçait un « système de management inhumain » et les nombreuses violations du droit du travail. À noter le bon point alors décerné à Apple, puisque l’ONG notait que dans l’usine, « seuls les ouvriers produisant pour Apple ont droit à un tabouret pour travailler assis, les autres devant rester debout ».

Des règles mais des contrôles insuffisants

Au delà de Foxconn, d’Apple ou d’autres, que ce soit dans l’informatique ou le textile (voir à ce sujet notre article sur les Maquilas), mais aussi la grande distribution, c’est le système mondialisé de la sous-traitance que cette affaire met à nouveau en question. Les grandes compagnies occidentales utilisent toutes les capacités de production des pays à faible coût de main d’œuvre. Elle fixent certes des règles de bonne conduite et normes droit du travail. Mais reconnaissent en même temps ne pouvoir contrôler tout ce qui se passe chez leurs sous-traitants.

Dans un rapport dévoilé en février, Apple admettait par exemple que plus de la moitié des usines qui travaillaient pour elle ignoraient les règles interdisant de travailler plus de 60 heures par semaine. La firme de Steve Jobs promettait alors d’améliorer ses moyens de contrôle sur ses fournisseurs. Visiblement, une longue marche reste à parcourir.

Billet initialement publié sur LES NOUVELLES news, sous le titre “iPad et compagnie, le prix de la sous-traitance” ; image CC Flickr sushiesque

À lire aussi notre dossier Apple 0% idolâtrie

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