OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Une semaine sur Atlantico, ou comment j’ai essayé d’être de droite http://owni.fr/2011/03/08/une-semaine-sur-atlantico-comment-essaye-etre-de-droite/ http://owni.fr/2011/03/08/une-semaine-sur-atlantico-comment-essaye-etre-de-droite/#comments Tue, 08 Mar 2011 16:06:37 +0000 Antoine Mairé http://owni.fr/?p=50341 J’ai toujours adoré être de gauche. Le plaisir de s’indigner dans l’odeur de merguez relevée d’un peu de bonne conscience. La volupté d’être du bon côté. Il y a une semaine, voilà qu’un site me propose de virer ma cuti. Diantre. Moqué vigoureusement comme un Rue89 de droite, sous prétexte qu’il est notamment financé par Charles Beigbeder (encarté au Parti Radical) et Arnaud Dassier (directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy sur le Web en 2007), et qu’il regroupe une liste de contributeurs plus proches de la croix de Lorraine que de la faucille et du marteau.

Ce lundi 28 février, Jean-Sébastien Ferjou, directeur de la rédaction, le répète à l’envi et à l’assemblée présente lors de la présentation du site : ce n’est pas un site de droite mais un “facilitateur d’infos”. Beigbeder insiste :

Ce n’est pas un site de droite, mais un site pluriel qui ne s’interdira pas de travailler avec des contributeurs de droite.

Arnaud Dassier précise qu’il a “travaillé en tant que prestataire pour l’UMP et non en tant que militant”. Et au fond, c’est quoi le problème ? Auraient-ils honte de défendre des opinions droitistes ? Comme s’il était mal vu d’être politiquement orienté de l’autre bord des trotsko-fascistes qui garnissent – n’est-ce pas ! – les rangs des rédactions parisiennes. Pour mieux comprendre l’idéal d’Atlantico, je décide de suivre au plus près les publications du site pendant sa première semaine. D’un lundi à l’autre, au coude à coude avec mon désir d’avenir libéral, voici ma tentative de virage à tribord.

Lundi. 11h, le site est lancé, je mets du coeur à l’ouvrage : je veux me droguer de liens, taper dans la poudre de synthèse d’autres articles, sniffer de la ligne éditoriale, me rendre addict d’une information équarrie par les dix journalistes agrégateurs. En quelques minutes, j’ai de quoi me piquer d’avis définitifs à droite toute ! Rouspéter contre les sarcasmes après l’allocution télévisée de Nicolas Sarkozy, hum c’est bon ça. Soutenir Christian Jacob dans sa tentative de destabilisation populiste de Dominique Strauss-Khan, oh oui vas-y ! Admirer la réforme Pécresse, han tu vas trop loin là.

23h, mon dernier shoot a la forme d’une cerise sur la gâteau : une tribune sous forme d’anathème jeté sur cet ami des bien-pensants, Stéphane Hessel. L’auteur m’a ouvert les yeux.

À la manière d’Hugues Serraf, transfuge de Rue89, je souhaite de tout mon coeur de pierre refuser le conformisme rampant des moralisateurs tiers-mondistes. J’ai envie d’être le prochain sur la liste des ces “entrepreneurs [français] qui, avec le développement d’Internet, sont ouverts à l’innovation et davantage prêts à conquérir le monde. J’ai comme une soudaine envie de lip dub.

Leur problème

Mardi. La France doit se lever tôt, 5h48, je prends le métro. Je compte bien afficher ostensiblement mes nouvelles idées. Mais comment s’exposer sans un Figaro pages saumon ? J’ai donc acheté un iPad, couleur rouge Louboutin. Je prends la ligne 6 en sifflotant. “Auteuil-Neuilly-Passy, c’est Atlantico, Auteuil-Neuilly-Passy, tel est notre crédo”. Je croise Jean-Pierre, le sans-abri de la station Trocadéro. Je lui fais un sourire et lui dépose deux euros. C’est important que chacun fasse un geste envers les démunis, surtout si les gens me voient. Et puis c’est toujours ça que l’État ne me prendra pas comme aurait pu dire l’auteur de L’État minimum, Guy Sorman [en]. Au sujet de la polémique Galliano, Sorman analyse :

Zemmour n’aime pas les Arabes et Galliano n’aime pas les Juifs : c’est leur problème.

J’opine du chef en guettant les trois nécessiteux venus chanter Guantanamera avec leur accent de l’Est. Ils me dérangent et c’est mon problème. Demain je prendrai le taxi.

18h, je prends du rab, via la colonne de droite, celle des liens. Tout en haut, trône une réhabilitation de John Galliano. Je commence à aimer ça, être libre de ton.

Mercredi. Je me plie à l’obsession d’Atlantico pour la brièveté. Jean-Sébastien Ferjou assume le supposé diktat d’un Internet zappeur. Deux jours après le lancement, le site est un recueil de nouvelles quand d’autres usent de romans-pavés. Hasta siempre la concision ! Les articles sont tellement courts que parfois même pas finis. Mais pas de mauvaise foi, on appelle ça “une brève”. Et peu importe que les brèves se multiplient comme des emplois fictifs : 47 liens pour Galliano en une semaine. Si facilitateur que ça ?

Le soir, paix des âmes. J’attaque la partie people du site, Atlantico Light, sorte d’info édulcorée par les pépées botoxées. Ferjou ne s’interdit pas de parler de Lady Gaga ? Mieux, la robe “gênante” de la fille de Madonna en 4×3 et les photos nues à venir de Lindsay Lohan. Dès lors, je guette chaque soir, avant d’aller rêver à un monde meilleur (mais pas trop), des révélations sur la sexualité de Nadine Morano.

Un air de Nagawika

Jeudi. Alors que les draps se souviennent de Nadine Morano, je me réveille avec la volonté vaillante de comprendre l’Internet et me connecte au dossier qui lui est consacré. J’y découvre, ébahi, qu’on peut draguer sur la toile ! Afin de me préparer au mieux à mes futures rencontres IRL, je me passionne pour le cosplay parce que, apparemment, c’est l’avenir. L’avenir des années 80, mais un avenir quand même. Cela me donne envie de mettre enfin la main sur cette nouvelle console qui permet de jouer à la guerre grâce à des manettes (la Xbox je crois). C’est en tout cas ce qui semble être la chose à faire d’après Nathalie Joannès qui décrypte la “mouvance geek”, ces “dandys technoïdes” qui achètent (TOUS !) des tablettes à 1000 euros. Je retrouve mon âme d’enfant comme quand on chantait Nagawika en classe de mer organisée par l’aumônerie catholique de Rennes.

Vendredi. Je fais la nique aux trotskistes. Je me sens boosté par les propos d’un investisseur cité anonymement par Stratégies, qui fait partie de l’aventure, et qui déclare vouloir se “distinguer nettement des autres médias dominant le Web, dirigés et lus pour la plupart par la génération 68 et ses jeunes disciples, qui plaquent leur vision idéologique sur le monde moderne.” Aux armes ! Débarrassons-nous des profiteurs vivant au crochet de la société, ces utopistes à barbe de 5 jours comme les squatteurs de Jeudi Noir qui ne semblent pas être tant que ça dans le besoin… Ah elle est belle l’exemplarité ! Quand bien même l’intervention de la police rue de l’Université [vidéo] semble avoir eu lieu devant le bâtiment, et que les interpellés soient des militants ou journalistes en fonction. Hum. Je ne me laisse pas sensibiliser, et pars de ce pas à la chasse aux Enfoirés, ces inscrits à l’ISF qui osent défendre les démunis. Je me gargarise, de plus, de ce discours officiel condamnant les agissements des impétrants squatteurs, rédigé par les Jeunes UMP. Je me refais un lip dub.

Samedi. Il est 14 heures, j’angoisse. L’idée de croiser un ressortissant de la cause rouge me pétrifie d’avance. Alors que je dégustais mon cinquième éclair aux pécans sur lit de canneberge attablée dans le fond du Café de Flore, on me dit que des communistes se sont glissés dans la salle. La peur m’étreint comme si un Rothschild devait traverser la cour d’un collège de ZEP. J’aperçois une écharpe rouge. Mon dieu, Il s’approche de moi ! C’est Christophe Barbier, ouf, sauvé.

16h, je me sens d’autant plus sauvé que la gauche semble au bord de l’implosion : les enfants Hollande-Royal ne souhaitent pas voir leurs parents s’affronter dans la course à la présidence de la république. Quant à savoir si le journalisme est sauf, c’est une autre histoire. La gauche est tellement mal que d’après Hugues Serraf, elle devrait s’inspirer de Villepin. Déjà qu’à l’époque où elle était au pouvoir (ça remonte à tellement loin ahah !), elle faisait des choses pas jolies jolies… Décidément, aujourd’hui, la vie est belle comme un second tour à 83%.

Ultime tentation

Dimanche. Je suis tiraillé par l’idée de passer définitivement à droite. Comme un dernier sursaut. Mon incertitude est alimentée par l’invitation de Nicolas Sarkozy à Lionel Jospin d’être utile à la République. Je suis par ailleurs gêné par le traitement qu’Atlantico réserve au discours présidentiel sur les origines chrétiennes de la France : il est équilibré. Entre analyse apolitique, témoignage d’un curé et invective d’une membre du Haut conseil à l’intégration. Pire ! Ils osent publier un article écrit par un gauchiste. Le coupable s’appelle Gaël Brustier et est dit “engagé au PS” ; son crime est d’analyser la popularité de Marine Le Pen en… déresponsabilisant la politique de Nicolas Sarkozy. Ah en fait tout va bien. Je suis d’autant plus rassuré qu’un commentaire à l’article m’indique que “le gouvernement de M. Sarkozy a pris toutes les mesures qu’il faut pour faire baisser le chômage, intégrer les immigrés et augmenter le pouvoir d’achat.”

Lundi. J’ai tout lu. À grands renforts de tribunes lyriques, j’ai un avis sur tout, je suis prêt à affronter n’importe quel débat et à empêcher de penser en rond. Indignez-vous, je vous attends. En revanche, pour ce qui est des reportages et des sujets sociaux, Atlantico s’en bat l’os. En conséquence, ce matin-là, je viens reprendre mes 2 euros à Jean-Pierre de la station Trocadéro. Et puis, de vous à moi, s’il est dans la rue, c’est pas ma faute mais c’est la loi de l’offre et de la demande. Tiens, j’ai un appel de Liliane en absence. Il faut que je lui parle de la suppression de l’ISF.

22h, ma semaine s’achève sur un air réactionnaire. Je crois être guéri du gauchisme. Peu importe que le “vent nouveau sur l’information” mentionné comme slogan soit un vent d’après-midi d’août circulant autour d’un kir et d’un Valeurs Actuelles posé à l’ombre de ma terrasse privative ; un vent nouveau qui convoque le fantôme d’Albert Londres mais en portant davantage la plume dans le plaid ; un vent nouveau porté par des éditoriaux qui passionnent surtout l’éditorialiste qui a sa bio sur le côté. Oui peu importe, car il est beau et fier ce libéralisme au slip rembourré qui exalte mon patriotisme de légionnaire néo-colonial. Alors pourquoi se cacher d’aimer ça ? Grâce à Atlantico, j’adore être de droite.

Crédits Photo FlickR CC : sun dazed

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Questions de Miroir http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/ http://owni.fr/2010/12/08/questions-de-miroir/#comments Wed, 08 Dec 2010 17:38:00 +0000 Dr Goulu http://owni.fr/?p=33532 Titre initial : MIROIR | ?IO?IM

Pourquoi un miroir inverse-t-il la gauche et la droite et pas le haut et le bas ?
Cette question « bête » en soulève deux autres moins triviales :

  • comment marche un miroir ?
  • comment définir la « gauche » et la « droite » ?

Un miroir réfléchit simplement la lumière en n’inversant rien du tout : en face d’un miroir, la lumière issue de votre main droite rebondit sur le miroir et arrive à vos yeux par la droite. La lumière venant de vos pieds vous parvient de même par le bas : tout est à sa place. Tout, sauf la « profondeur » : c’est en fait la distance des objets au miroir qui est « inversée », autrement dit « l’avant » et « l’arrière » [1].

Notre image dans un miroir est donc « retournée comme un gant » : un gant droit retourné devient un gant gauche, comme nos mains dans le miroir [2].
Même si nous nous regardons dans des miroirs artificiels ou naturels depuis pas mal de milliers d’années, nous avons toujours de la peine à comprendre que la symétrie ne correspond pas à une rotation (sauf dans un espace de dimension supérieur, comme le note  Xochipilli dans son très chouette article [1] ). Ce fait bien connu des joueurs de Tetris n’empêche pas certaines de tenter avec obstination d’orienter leurs mèches de cheveux à gauche ou à droite alors que personne ne les verra jamais comme elles se voient dans un miroir…

Ce qui nous amène à la seconde partie de la question : les notions de « gauche » et de « droite » ont-elles une réalité physique ? Autrement dit, existe-t-il des objets ou phénomènes dont l’image dans un miroir serait impossible ?

On pense tout de suite à l’écriture : un texte vu dans un miroir est illisible, ou du moins pas facilement. Mais ce n’est qu’une question de convention : on aurait très bien pu écrire de droite à gauche comme certaines langues, en utilisant des lettres « retournées »  comme dans cette jolie affiche:

Du russe ou du ?IO?IM ?, crédit

Comment expliquer la gauche et la droite aux extraterrestres ?

Page 15 du message de Dutil et Durand. Le message de paix pourrait-être lu à l'envers

La question de la transmission de cette convention est d’ailleurs un problème intéressant :  les messages que certains ont envoyé aux extra-terrestres [2] (une grave erreur) sont composés de bits que les destinataires sont censés assembler en lignes et en colonnes pour produire des images en noir et blanc. Comment leur dire que les points doivent être disposés de gauche à droite plutôt que de droite à gauche ?

(On admet qu’on ne dispose pas de points de repère communs avec les extra-terrestres, sinon ça serait trop simple… Disons qu’ils vivent sous une couverture nuageuse perpétuelle et ne connaissent rien à l’astronomie …)

Cette question est équivalente à celle posée plus haut : il suffirait de décrire dans le message un objet ou un phénomène physique dont l’image dans un miroir ne peut pas exister dans la réalité .

Il existe bien quelques objets déroutants en version « miroir », comme les tire-bouchons « tourne à gauche »  vendus dans les farces et attrapes, mais ils sont tous aussi possibles à réaliser que leur version « normale ».

Une molécule chimique ? Il en existe beaucoup qui ont une forme différente de leur image dans le miroir. Par exemple le sucre existe sous forme de dextrose qui fait tourner le plan de polarisation de la lumière à droite et sous sa forme énantiomère lévogyre. La chiralité des molécules détermine donc parfois leur propriétés physiques, mais …  tout reste cohérent vu dans un miroir.

Les effets de ces molécules peuvent être très différents selon leur forme dans le miroir : la catastrophe de la thalidomide est due à l’énantiomère d’un bête calmant, et la L-métamphétamine débouche juste le nez,  alors que  la D-métamphétamine a d’autres effets…

D-méthamphétamine / L-méthamphétamine

La raison de ceci est que ces molécules interagissent différemment avec les molécules de notre organisme, qui ont elles-mêmes une certaine géométrie plutôt que leur image dans le miroir. Ainsi les êtres vivants sur Terre produisent ou consomme beaucoup plus de D-glucose (ou dextrose) que de L-glucose, et  l’ADN présent dans tous les être vivants à la forme d’une double hélice tournant dans à droite. Mais il n’y a pas de raison fondamentale à ceci : la vie a probablement « préféré » une forme plutôt qu’une autre à ses débuts, et cette « brisure de symétrie » s’est propagée par contagion, mais il une biochimie « dans le miroir » est parfaitement cohérente.

L’électromagnétisme alors ?  Si on fait passer un courant électrique dans une bobine, on crée un champ magnétique avec un pôle Nord et un pôle Sud. Si la bobine est bobinée à l’envers, les pôles Nord et Sud sont inversés.

Oui… mais les notions de pôles magnétiques « Nord » et « Sud » sont tout à fait conventionnelles (jusqu’à ce qu’on trouve des monopôles magnétiques).

Combien de fêlures dans les miroirs de la physique ?

Jusqu’en 1956,  l’Univers observé dans un miroir était parfaitement cohérent. De fait, 3 des 4 forces fondamentales ont une « Symétrie-P » ou « Parité » parfaite. Mais en 1956,  une dame démontra une violation de parité concernant la 4ème force, l’interaction faible. Lors de désintégration ? d’un noyau de Cobalt 60, un électron est émis dans une direction aléatoire. Mais il y en a statistiquement 1 sur un million de plus qui part dans la direction opposée à celle du spin du noyau que dans la direction du spin (le spin indique le sens de rotation du noyau). En regardant l’expérience dans un miroir le spin change de sens et l’électron irait très légèrement plus souvent dans la direction du spin, ce qui est contraire à l’expérience. L’interaction faible « préfère » très légèrement la rotation à gauche et  on pourrait donc expliquer aux extraterrestres notre convention gauche/droite en leur transmettant ce dessin:

Mais si par malheur nos extraterrestres vivent dans une Galaxie (hypothétique) formé d’antimatière, on a un gros problème : l’antimatière peut également être considérée comme « vue dans un miroir ». Chaque particule de la physique possède son antiparticule dont toutes les caractéristiques sont les mêmes sauf la charge électrique, qui est inversée. Le « miroir » de la « Symétrie C » (C comme charge) est très semblable à celui de la symétrie P : toute la physique et la chimie est parfaitement identique avec de l’antimatière qu’avec de la matière, sauf pour l’interaction faible, exactement comme ci-dessus.

Autrement dit, si nos extraterrestres font l’expérience avec un noyau de ce que nous appellerions de l’anti-Cobalt 60 et observent la direction d’émission du positron, tout marchera parfaitement bien mais ils comprendront absolument tout à l’envers : la gauche et la droite, le signe des charges électriques, les pôles Nord/Sud magnétiques etc. Et la rencontre des deux civilisations fera des étincelles

Le problème est que notre dessin implique en fait 2 miroirs, le C et le P qui inversent tous deux de la même manière l’expérience, et comme chacun sait, si on regarde notre reflet dans un miroir à l’aide d’un autre miroir, tout se remet en place.

On appelle « Symétrie CP » l’image de l’Univers qu’on obtient en inversant à la fois la gauche et la droite et les charges électriques, et cette symétrie était parfaite. Mais dans les années 1960, on a découvert une très légère brisure de la symétrie CP : la transformation d’un kaon en antikaon est 1 milliardième de fois  plus rare que la transformation d’un antikaon en kaon.

Cette nanoscopique (10-9) fêlure a une conséquence pratique assez importante: nous existons.

En effet, c’est la violation de la symétrie CP qui fait que le Big Bang a eu la bonne idée de produire un milliardième de plus de matière « normale » que d’antimatière, et c’est ce milliardième qui ne s’est pas annihilé avec l’antimatière qui constitue tout ce qui nous entoure, sans quoi il n’y aurait pas eu grand chose après « que la lumière soit ».

Comment transformer une caméra vidéo en miroir temporel

Réponse : c’est très facile et amusant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Même un extra terrestre très différent de nous devinerait assez vite qu’il regarde le film à l’envers parce que beaucoup de phénomènes macroscopiques ont une préférence pour le futur. Ce n’est pas le cas à petite échelle : toutes les interactions entre particules peuvent se produire « en sens inverse » : la mécanique quantique possède une « symétrie T » que l’on retrouve dans les diagrammes de Feynman dont Benjamin a causé ici.

Voici donc un troisième miroir légèrement imparfait, qui peut se combiner avec les autres ! D’ailleurs, pour réaliser le film ci-dessus, je suppose que la demoiselle qui va « à l’endroit » regarde dans un miroir pour marcher à l’envers sans se heurter à la foule. En quelque sorte, la symétrie PT a permis de rendre le film plus réaliste que la symétrie T ne l’aurait permis.

Mais à propos… pour la violation de la symétrie CP on a dit que la transformation d’un kaon en antikaon plus rare que son contraire, mais si on passe le film de l’expérience à l’envers ? On verra plus de kaons se transformer en antikaons, donc l’Univers observé dans les trois miroirs C,P et T sera parfaitement cohérent avec les observations dans l’Univers « normal ».

La « symétrie CPT » est aujourd’hui considérée comme une loi fondamentale de la physique car c’est une des rares qui soit compatibles à la fois avec la mécanique quantique et la théorie de la relativité via le principe d’invariance de Lorentz. Mathématiquement, on a même réussi à montrer que la symétrie T était identique à la symétrie CP et donc que toute violation de la symétrie CP devait causer une violation de T équivalente, et vice-versa.

Les conséquences de la symétrie CPT

Avertissement : dans ce paragraphe, je m’avance un peu en terrain dangereux, mais c’est pour mieux vous faire réagir si vous maitrisez le sujet mieux que moi …

Une conséquence fondamentale de la symétrie CPT est qu’il est impossible de distinguer:

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui suivrait la même trajectoire entre A et B, filmée dans un miroir, et dont on passe le film à l’envers (où on la verrait donc aller de B en A)

Si on suppose que le temps existe comme une 4ème dimension, on peut aller un peu plus loin en disant que ces deux observations sont parfaitement indiscernables :

  • une particule qui se promène entre les points A et B
  • son anti-particule qui remonte le temps entre B et A, vue dans un miroir.

Donc lorsqu’on reçoit par exemple un rayon cosmique sous forme d’un antiproton à haute énergie, ne devrait-on pas vérifier s’il ne s’agirait pas d’un proton généré par un événement futur et qui remonte le temps? Est-ce que des installations comme l’observatoire Pierre Auger ont un « miroir » permettant d’observer la brisure de symétrie P qui distingue les deux cas ?

Dans le même ordre d’idée, l’effet Casimir est décrit par des phénomènes quantiques représentés par des diagrammes de Feynman ressemblant à la figure ci-dessous, et qui surviennent des milliards de fois chaque seconde dans chaque millimètre cube de vide de tout l’Univers…

La lecture classique est que 2 particules virtuelles, dont l’une est l’antiparticule de l’autre apparaissent spontanément par les fluctuations quantiques du vide, et leur annihilation mutuelle un court instant plus tard restitue « l’énergie du vide » empruntée par les particules.

Mais là aussi, je me demande comment distinguer cette interprétation de celle d’une particule tournant « en rond » dans le temps : pendant sa phase de retour dans le passé, la particule nous apparait exactement comme son antiparticule allant vers le futur … Existe-t-il une expérience permettant de vérifier la symétrie P du phénomène pour exclure cette interprétation ?

Références:

  1. « Jeu de réflexion » sur le Webinet des Curiosités
  2. Michel Thévoz L‘homme retroussé
  3. Message de Dutil et Dumas sur Astrosurf
  4. « La chimie prébiotique » sur Astrosurf
  5. Tom Roud Symétries I : de l’importance des symétries en physique
  6. Tom Roud Symétrie II : Groupes de symétries
  7. Tom Roud Symétries III : symétrie miroir, vecteurs et brisure de symétrie

>> Illustrations GNU Wikipédia : Public Domain et Creative Commons by-sa HB, FlickR CC : wokka, blentley, Profound Whatever et Loguy pour OWNI

>> Article publié initialement sur le blog de Dr Goulu

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Youpi! Ils ont gagné? http://owni.fr/2010/03/22/youpi-ils-ont-gagne/ http://owni.fr/2010/03/22/youpi-ils-ont-gagne/#comments Mon, 22 Mar 2010 16:13:22 +0000 Emgenius http://owni.fr/?p=10632

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Un discours de triomphe modeste, mais un discours de triomphe quand même.

Ainsi donc, comme en 2004, la plupart des régions sont restées colorées de rouge. Et depuis hier les ténors avec ou sans twitter, de nous marteler qu’il s’agit d’un vote sanction de la politique du gouvernement à la tête de la république française.

Je n’ai pas voté pour la région île de France où je réside. Je ne peux pas. Je ne suis pas Français (un choix de fainéant, depuis que mon pays de racines, la Belgique a autorisé il y a six mois la double nationalité à ses ressortissants). J’ai entendu les arguments balancés par les futurs votants et les abstentionnistes dans #lafrancedutrain qui m’emmène chaque matin de Seine et Marne à Paris. On y parlait de la personnalité bonhomme de Huchon et du sourire coquin de Valérie Pécresse. Ou alors on parlait des résultats désastreux de Paris en championnat ou on ne parlait pas.

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J’ai reçu des tracts de Jean Paul Huchon à ma gare d’extrême Seine et Marne. J’ai vu aussi des poubelles pleines des mêmes tracts quelques mètres plus bas, dans le couloir qui mène au train. J’ai lu les batailles à coup de Ali Soumaré, les déclarations facebook de Frédéric Lefèbvre, j’ai entendu le triomphalisme de gauche demander la tête de François Fillon entre les lignes. Et si c’était Jean-Marie Le Pen qui avait eu la seule bonne analyse du scrutin en version 2010 « Le Pen, c’est une bonne marque, en laquelle les gens ont confiance ».

Et si le vote sanction, le vote épidermique qui permet d’excuser sinon d’expliquer les revirements complets de l’opinion publique n’étaient en fait que le reflet du monde contemporain ?

Combien sont-ils, les petites gens à mon image ? Ceux qui luttent autant pour le pouvoir d’achat au quotidien que pour l’écran plat ? Ceux qui ne noieraient pas leur prochain dans l’eau d’un bain de merde, mais seraient prêts à gueuler si les voisins se mettent à marcher sur les plates bandes ? Combien sommes-nous à conchier  les extrêmes de tout bord sans pour autant soutenir d’idéal ni de droite ni de gauche. Combien sommes-nous à voter, ou ne pas voter, par habitude ?

Parce que les préoccupations politiciennes nous semblent à ce point éloignées de nos quotidiens que nous avons l’étrange impression qu’un système vaut bien l’autre. Qu’on ne sera jamais tous frères unis sous le drapeau rouge, mais pas dupes non plus de lois votées au profit de certains, sous le couvert de la réponse à un fait divers, une préoccupation sociale. Et je me souviens à 17 ans, de ce gros couillon qui fustigeait ses camarades de classe donnant leur vote à la pensée paternelle sans réfléchir à l’idéologie, au monde qu’ils désiraient pour plus tard. Je suis pire qu’eux. J’ai abdiqué. Je survis. J’envie. Je possède et constate.

L’économie quotidienne. La tambouille dans la gamelle de tous les jours et l’hédonisme capitaliste ont depuis longtemps remplacé notre préoccupation politique.

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On veut tous plus. On veut tous mieux. Et tant pis si parfois on doit faire taire l’internationale socialiste qui chante au fond de nos cœurs. Les vacances aux Maldives valent bien quelques grammes de C02, et on ne se priverait pas du café à la machine parce qu’il est servi dans un gobelet plastique. On veut bien être un peu justes, mais pas jusqu’au point de partager nos appart’s avec tous les miséreux du monde. On veut bien accueillir les réfugiés politiques, mais à la seule condition qu’ils n’habitent pas à 15 dans la maison mitoyenne, qu’ils évitent les ablutions matinales sonores et les odeurs de friture insupportables. On veut bien être socialistes, mais pas au point de nourrir tous les tire au flanc, que parfois on envie, le soir quand on est crevé par la journée de boulot, la grève SNCF ou le trafic à la sortie de la méga-ville.

La politique n’est plus au mieux, qu’un outil de notre développement personnel. Au pire une habitude ou un sujet de conversation. Nous sommes volatiles, changeants, inconsistants. Nous sommes capables de sacrifier un idéal au gré de notre ambition personnelle. Nous sommes près à tous les compromis parce qu’ils servent notre cause propre ou perpétuent notre consensus mou.

Nous pensons la politique en terme de phrases assassines, de discours grand guignolesques ou de spiritualité sur Twitter.

Un casse-toi pauvre con et nous sommes capables de causer six heures avec nos collègues. Un désir d’avenir et notre journée numérique est enjouée à coup de retweet.

Nous avons la vague impression que quelque chose ne va pas. Nous voudrions que l’île de sacs plastiques au milieu de l’Atlantique soit nettoyée, mais ne serions pas prêts à être taxé pour le nettoyage à sec. Nous votons pour les chaussures de Nadine Morano, la petite marche de Nicolas Sarkozy, la serpillère flasque de Van Rompuy ou le nœud papillon d’Elio di Rupo.

Notre conscience politique se construit autour d’un clip « pour ceux qui veulent changer le monde » et d’un bon mot des guignols. Notre idéologie se développe pour Stéphane Guillon ou contre lui. Nous nous en foutons royalement (sans jeu de mot), tant que rien n’empêche les courses chez H&M, le caddie chez Intermarché et les vacances au mois d’Août.

Nous avons la conscience diffuse que quelque chose ne va pas, ne va plus, n’a jamais été. Cohn Bendit représente la génération de l’échec des idéaux, mais nous n’avons pas d’idéaux. Besson ou Strauss Kahn la preuve qu’on peut être de gauche sans finir professeur d’histoire à collier de barbe. Saint Sega priez pour nous. Et priez, priez que tous nous veuille absoudre.

On aimerait changer le monde, mais notre temps de cerveau disponible est restreint, une fois achevée la lutte pour notre propre survivance et le visionnage de la saison 6 de Docteur House. On aimerait que quelqu’un le change à notre place, par baguette magique et qu’on puisse tous en profiter, y faire des profits. Boire le café à la machine le matin et continuer à respirer correctement, parce qu’on est les pères de nos enfants. On aimerait donner notre destin à un guide, un despote éclairé. Mais on n’a pas confiance en les icônes politiques, qui tournent au vent des électeurs comme des girouettes.

On a l’impression de devoir prendre le destin du monde en main, mais on a déjà du mal à se saisir du nôtre. Et on a peur d’être roulés dans la farine alors on évite de se commettre à adorer une icône politico médiatique qui sera balayée plus tard par une affaire, un revirement ou un mauvais mot glosé par les humoristes.

Nous sommes défiants

C’est là notre seule conscience politique. On sait qu’on ne se fera plus avoir par le politique. Alors on se fait avoir par l’économique. Saint Sega priez pour nous . Et soumets-nous à la tentation. On se rassure en écoutant les radios qu’on imagine colorées à peu près à notre goût et les trublions de bon ton. Nous oublierons. Nous serons prêts à contourner les lois, défier les dogmes si seulement l’économie nous offre une drogue légale. Here we are now, Entertain us, comme disait l’autre.

Parce que quand on se met à penser on pleure. Parce que devant l’ampleur des tâches on se rend compte de nos différends, de nos différences, et de ce qu’on n’aura pas assez d’une vie pour que tout change à notre rythme mollasson.

Nous votons par habitude, ou nous ne votons pas. Ou pire nous votons pour la marque électoraliste qui nous tente le plus. Le Pen a raison (dit comme ça ça fait peur… toi qui pratique la culture de l’extrait remonte plus haut je t’en supplie). Nous choisissons notre préférence électorale plus en fonction des idées, mais en fonction du catalogue, de la vitrine que propose le candidat. Une poitrine avenante, un regard mutin peuvent amener plus de voix qu’un vrai programme dûment calibré. Je vous jure avoir entendu peu avant l’élection de 2007 dans #lafrancedutrain « sarko il gagnera pas, il est trop petit pour faire un président». Quelques bons mots sur Twitter et @benoithamon m’enthousiasme plus que Martine Aubry.

Un site internet pourri ou le rappel opportun d’une opposition ancienne avec le Club Dorothée et c’est une élue de Poitou Charentes qui fait les frais de notre courroux. Un Yann Arthus Bertrand par hasard programmé la veille du scrutin et c’est le monde qui devient écologiste d’un soir. Un policier abattu dans l’exercice de ses fonctions et nous sommes tous profondément convaincus que le monde ne tourne plus rond et qu’il faut resserrer les boulons.

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Quand la victoire est une question de plus’ produit

Nous sommes citoyens d’une méga-ville planétaire. Qu’une explosion se passe sur le pont d’à côté, et nous ne croirons à sa véracité que si le présentateur vedette nous le confirme. Qu’on pense révolution et on se pique de regarder exactement sur quel point de détail du discours de l’UMP on peut porter un estoc parce que sur le fond, on n’est pas si différents. Qu’on soit de gauche et il faut en porter la coquarde : « libé-Guillon-FranceInter » ou de droite « costard, cheveu beatles et microentreprise.

On ne vote plus sur foi d’idées ou de concepts, parce qu’on a la diffuse impression que les concepts ne changent plus le monde et qu’un concept sera toujours moins puissant que l’économie. Et que de l’économie dépend Saint Sega. On vote sur catalogue. On choisit sa marque électorale comme on choisirait un Jean dans un catalogue de La Redoute. Parce qu’il est pas cher, parce qu’il fait le cul rond ou que l’air du mannequin donne envie de lui mettre une cartouche. On applique à notre philosophie, à nos actes, des mécaniques économiques marketing/envie/acte d’achat sensibles aux saisons, à l’ADN de la marque et à la publicité. Notre culture, notre conviction politique est un catalogue France Loisir.

On y picore ce qui nous est bien présenté. Et on s’engage à bien lire chaque mois un morceau de la culture qu’on nous ressemble, que quelqu’un un jour a formaté pour qu’il nous ressemble…. L’économie a non seulement remplacé l’idéal politique, mais il y plaque aujourd’hui ses mécaniques.

Donner des leçons c’est bien…

Mais je n’ai ni le courage ni l’envie de me lancer dans une croisade pour un retour de la prise en main de nos réflexions politiques, pour le retour de la conviction philosophique avant le glamour du glissement du bulletin dans l’urne. Je n’ai pas le temps.

Comme tout le monde je galère d’abord avec l’envie de me payer un resto par mois en famille et des vacances à la côté cet été. Comme tout le monde je m’émeus du ministère de l’identité nationale et m’amuse des spots de campagne blafards du PS. Comme tout le monde si j’allais voter, je choisirais mon candidat sur catalogue (je le fais déjà pour les élus belges que je dois choisir à distance).

Avant j’imaginais que pour éviter que le titanic se mange l’iceberg, il fallait que je grimpe à bord et que je convainque le capitaine. Aujourd’hui je suis plus enclin à rester sur la rive tirer dessus au bazooka, et préparer les chaloupes pour sauver qui pourra. Sauf que… être belliqueux c’est pas classe, et je me vois pas négocier en loucedé l’achat et le montage de mon bazooka. Pas le temps pour ces conneries, y’a Breaking Bad S03E01.

Vivent les régions à gauche ?

> Article initalement publié sur le coin d’Emgenius dans la soucoupe

> Illustrations by mainblanche et par alainalele

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