OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [ITW] Didier Lockwood: “Internet, c’est une vraie bouée de sauvetage” http://owni.fr/2010/11/24/didier-lockwood/ http://owni.fr/2010/11/24/didier-lockwood/#comments Wed, 24 Nov 2010 08:29:12 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=28217 Didier Lockwood est l’un des jazzmen français ayant contribué à faire reconnaître l’école de violon jazz française dans le monde. Issu de la génération de Stéphane Grappelli et Jean-Luc Ponty, il est actuellement vice-président du Haut Conseil de l’Education Artistique et Culturelle. Nous l’avons rencontré pour évoquer son expérience avec le CMDL, l’école de violon et de musiques actuelles qu’il a créée il y a maintenant onze ans en parallèle de sa carrière très dynamique.

Avant l’interview, Didier Lockwood confie qu’il travaille actuellement sur un projet intéressant. La surprise est de taille, puisqu’on apprend qu’il a été mandaté par le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, pour travailler sur la démocratisation de l’enseignement musical en France, notamment sur les conservatoires.

“Le ministre m’a mandaté pour cette mission qui consiste à travailler sur les conservatoires et j’ai demandé d’élargir cette mission à l’Education Nationale. A cette occasion, un groupe de mission a été constitué avec d’illustres représentants des diverses esthétiques musicales : Jean-Claude Casadesus (chef d’orchestre), Claire Gibault (chef d’orchestre), Michel Jonasz, Manu Katché, Andy Emler (jazz contemporain), Bruno Montovani (compositeur contemporain et nouveau directeur du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris)… Les préconisations sont à rendre en début d’année 2011. A la suite de ce travail et l’acceptation des préconisations par le ministre, un travail approfondi sur les contenus pédagogiques sera engagé. Ces changements devraient toucher le cœur et l’esprit de l’enseignement des arts puisque cette mission, si elle réussit devra s’étendre à l’ensemble des enseignements artistiques.” (Didier Lockwood)

Pensez-vous que cette mission va être prise en compte ?

Je propose des préconisations optimales, qui vont dans le sens de la mission dont on m’a chargé. Ce qui est pratique, c’est qu’elles peuvent êtres mises en œuvre progressivement. C’est une réorientation où nous pourrions préconiser le rééquilibrage entre les musiques dites classiques, contemporaines, écrites, et les musiques dites populaires (musiques actuelles, improvisées, traditionnelles, amplifiées…)

Pouvez-vous nous indiquer vos principales pistes de réflexion ?

C’est une réorientation où nous préconisons la réintroduction des musiques actuelles à la même échelle que les musiques dites “savantes”. Le but étant de faire en sorte que les conservatoires ne soient plus des îlots principalement consacrés à la musique écrite, patrimoniale, musique d’interprétation mais qu’ils puissent s’ouvrir aux techniques d’apprentissage oral et du senti que nous proposent les musiques actuelles et improvisées. Il serait donc possible et souhaitable de repenser à une formation initiale adaptée tel un tronc commun entre les deux apprentissages jusqu’à aujourd’hui distingués.

Dans le souci de préserver un niveau d’excellence, les parcours des élèves permettront de s’engager à partir du deuxième cycle de l’enseignement vers une spécialisation tout en distinguant ceux qui souhaiteraient s’engager dans une voie professionnelle et ceux qui voudraient s’engager dans une voie amateur.

La transversalité qui aura été créée au niveau de la formation initiale permettra à ces élèves de posséder l’ensemble des valeurs dont un musicien a besoin aujourd’hui, au 21ème siècle et devrait permettre aussi de développer et d’élargir les filières professionnelles des musiciens.

Dans le cadre de cette orientation, les pratiques d’ensemble devraient être favorisées et à travers un travail studieux et sérieux, trouver les points d’accroche du plaisir musical.

Cet énorme chantier devrait amener à une restructuration qui pour moi tient plus au rééquilibrage qu’à la remise en cause d’un système. Le souci permanent de nos travaux est de donner à ceux qui sont au cœur du processus (les enseignants) un nouvel élan pour pouvoir peut-être transmettre leur savoir avec une meilleure écoute et un meilleur impact. Tout ceci ne pourra pas se faire sans la prise en compte de la réalité des enseignants et de comment les intégrer dans un nouveau dispositif sans qu’ils s’en sentent rejetés. Tout cela se fera en concertation avec le corps enseignant, sans remise en question de leurs compétences respectives.

Si je suis ma lettre des mission, qui naît un peu de l’exemple de l’Histoire des Arts (obligatoire depuis peu) cette réflexion sur la musique pourrait être la pierre fondamentale d’une remise en question de l’ensemble des enseignements artistiques en France dans un esprit de totale transversalité. Peut-être pourrions-nous penser, à l’instar de l’Histoire des Arts aux “Écoles des Arts”…?

Le projet dont vous me parlez semble paradisiaque, presque idéal. En réalité, combien de temps pensez-vous que cela prendra d’intégrer tous ces changements ?

10-15 ans. Il faut considérer cette étape comme une réorientation. Le parc d’enseignants dont nous disposons comporte deux générations différentes, il suffira d’apporter aux uns et aux autres le soutien nécessaire à leur participation à ces éventuelles préconisations.

D’autres points sont abordés par cette mission comme le rôle pédagogique des orchestres symphoniques, se mettre au service de la transmission et de la sensibilisation en déplaçant les orchestres dans les écoles et entreprises mêmes, ce qui se fait déjà beaucoup en Angleterre. Organiser des résidences dans les écoles… plus qu’une mission de représentation, c’est une responsabilité éducative qui est intégrée depuis longtemps dans le cahier des charges de multiples pays européens.

Le numérique est-il intégré dans vos projets ?

Cela va de soi. Le numérique sera enseigné dès le cycle initial. Dans les cycles spécialisés, ce domaine concernera surtout les musiques actuelles qui utilisent énormément ces supports pour la création autant que pour la promotion.

Les musiciens classiques, eux, seraient donc voués à la marginalité alors qu’ils intègrent très vite ces outils informatiques ?

Lors de la mise en place des contenus des programmes LMD, j’ai fortement insisté sur l’intégration du numérique. En effet, il est indispensable que les cursus classiques s’acclimatent à cet outil, nous sommes d’accord. Ne serait-ce que du point de vue de l’auto-promotion et de l’auto-production.

Quelle sont selon vous les différences majeures entre un conservatoire et une école comme le CMDL ?

Les conservatoires commencent à intégrer les musiques improvisées ou actuelles dans leurs section jazz. Nous, au CMDL, essayons de travailler sur un réservoir d’étudiants qui ne soit pas trop important. Ce qui nous importe est d’avoir une relation humaine et qualitative avec les élèves. Nous n’intégrons jamais plus de dix élèves par année par classe. Une cinquantaine d’élèves en tout. Nous n’avons pas de cahier des charges, ce qui nous permet de procéder de la manière que l’on veut. Nous avons une manière extrêmement spécifique d’enseigner et l’on voit en dix ans les résultats que cela a donné. C’est en ce sens qu’il est indispensable que l’on nous accepte dans le cycle de l’enseignement supérieur. Notre statut d’établissement privé nous pose problème quant à cette intégration. Nous essayons de rester dans une réalité populaire. L’aspect élitiste qu’on donne au jazz nous dérange. Réalité populaire ne veut pas dire négliger l’exigence de l’excellence. Populaire n’est pas péjoratif.

Quand on enseigne le jazz comme étant une forme “savante” c’est-à dire dans un format élitiste on néglige les valeurs fondamentales (le groove, la danse, le placement rythmique, l’”entertainement”…) qui font de cette musique un art majeur.

Le fait que le jazz soit considéré comme une musique savante est pourtant ce qui lui a permis d’intégrer les conservatoires. Lui redonner une perspective populaire va donc à l’encontre de la culture enseignée jusqu’à ce jour en France, votre nouveau projet représente une évolution importante.

En effet, il ne fallait pas qu’elle réponde au critère de musique populaire qui est un terme péjoratif en France. C’est là que le bât blesse et ce que vous soulevez est très important et il faut le mettre en avant car tout ce qui fait référence à l’enseignement en général, et pas seulement de l’art, tout ce qui fait appel à notre animalité, à nos instincts est mis de côté et éclipsé par l’intellect et le cérébral dans notre système actuel. L’animalité et l’instinct ne sont pas reconnus comme des connaissances ou des sciences alors qu’à mon avis, la reconnaissance ou la connaissance de nos instincts est sûrement la plus grande des sciences. Un certain nombre d’études a été fait sur l’improvisation et elles montrent que les personnes qui font du rythme de manière intuitive – ce que l’on appelle la danse intérieure – travaillent sur des algorithmes très élaborés. L’instinct est notre force la plus véridique. Je pense que notre intelligence et notre intellect sont là pour lire les secrets de notre instinct et le transcender.

Le mot “conservatoire” comporte ce terrible aveu : on sépare l’homme. C’est le romantisme qui a voulu ça. C’est tout à fait contraire au concept de la musique dans sa dimension de langage universel.

Qu’est ce qui vous a poussé à créer le CMDL et pourquoi en France ?

Ma première intention était de perpétrer cette école de violon jazz français qui est constituée de Stéphane Grappelli, Michel Warlope, Jean-Luc Ponty, moi-même…

Avant de faire du CMDL une école multi-instrumentale, je voulais profiter de cette génération de violonistes qui sont sortis des sentiers battus et ont constitué un répertoire jazz qui fait désormais partie de notre patrimoine culturel français. Il y a deux pays qui sont représentatifs du violon jazz : la Pologne et la France. Deux cultures de musiques improvisées mais avec des accents différents.

Pourquoi en France, parce que j’ai un problème avec les “Amerloques”. Ils ont tendance à tout s’attribuer. Ils ont toujours pensé que le jazz, c’était les États-Unis et maintenant ils déchantent parce qu’ils s’aperçoivent que les musiciens européens ont du style et produisent pas mal d’œuvres de qualité. Et puis, le patrimoine “violonistique” américain se repose plus sur la culture bluegrass quand en France nous avons une grande école de musique classique (l’école impressionniste, sans oublier que les grands musiciens de jazz Américains sont venus suivre les cours de Nadia Boulanger), ce qui nous donne une technique.

Quand on a une spécificité, autant s’en servir et faire école. J’ai eu beaucoup d’influences de Stéphane Grappelli et Jean-Luc Ponty, donc j’ai décidé d’essayer de perpétuer cette tradition. Depuis onze ans, beaucoup de jeunes sont sortis et nous avons des exemples comme Fiona Monbet, jeune violoniste de 20 ans qui va sortir son premier disque très prochainement et qui est dans ma classe depuis l’âge de 9 ans.

Vous êtes-vous senti soutenu, directement ou indirectement par les institutions gouvernementales lors de l’ouverture du CMDL ?

Cela a été très mal accueilli. J’étais déjà un peu incontournable à l’époque dans le sens où j’avais une image d’artiste international. Quand un artiste veut se mêler de l’éducation, on trouve toujours ça un peu suspicieux et dangereux. Une certaine forme de défi et de concurrence parce que je ne voulais pas rentrer dans le moule. J’ai dû faire appel à des appuis politiques. Ils m’ont fait trainer un an avant de m’accorder une petite subvention.

Quelles étaient leurs excuses ?

“Pourquoi Didier Lockwood plus qu’un autre” et “on a déjà ce qu’il faut en conservatoires”. C’est un peu comme Alain Prost qui voulait ouvrir son écurie de Formule 1, on lui a mis des bâtons dans les roues.

La situation a évolué dans le sens où j’ai pris la vice présidence du HCEA. Ils ne peuvent pas empêcher mon école d’exister tout en me confiant cette mission.

Il y a du progrès mais je me bats quand même, nous devions rentrer dans le pôle supérieur (le diplôme supérieur…) cette année et ils ont refusé notre dossier.

Qui contribue à l’élaboration des programmes du CMDL ?

Nous avons un comité de professeurs qui décide des cours majeurs et le reste est constitué de beaucoup d’intervenants qui sont des musiciens professionnels et actifs. C’est quelque chose sur lequel j’insiste beaucoup. Je ne voulais pas nécessairement de professeurs diplômés. Je veux des artistes qui jouent.

Quelles relations entretenez-vous avec l’industrie de la musique ?

Déjà, l’industrie de la musique est un non-sens. La musique n’est pas une industrie. On parle d’économie culturelle. On ne peut pas faire l’économie de l’art.

Je pense que toute propension à vouloir rentabiliser l’art, le valoriser financièrement, est mauvaise. C’est un point de vue tout à fait personnel mais l’argent pollue l’authenticité.

Cette industrie est pourtant parfois bien utile.

Attention, l’industrie n’est faite que pour la rentabilité et les artistes qui ont accès à cette industrie dans une intention uniquement mercantile ne font pas le même métier que moi.

Mais l’industrie est née plus ou moins avec les musiques actuelles. Vous ne préparez donc pas vos élèves aux rouages de l’industrie ?

Si, évidemment nous l’abordons mais je commence toujours l’année avec mon speech qui rappelle aux élèves qu’ils ne sont pas là pour devenir intermittents du spectacle mais artiste. “Vous n’êtes pas ici pour devenir des participants de l’industrie de la musique mais pour devenir des artistes.” Chez moi, on parle de développement intérieur, de personnalité, de créativité, de passion, de votre entrée en musique et non pas seulement dans les métiers de la musique.

Pourtant, une entrée dans le monde actuel sans notions de marketing, ne serait-ce pas un peu jeter des talents dans la gueule du loup (les industriels) ?


On fait venir des intervenants de la SPEDIDAM, de l’ADAMI, de la SACEM, des juristes spécialisés en droits pour expliquer comment ça marche. Expliquer les mécanisme de l’auto-production. Ce que j’essaye de dire c’est juste que la musique n’a pas pour but d’être rentable, ceux pour qui le but est de rentabiliser la musique ne font pas le même métier que moi, je le répète.

Alors ne serait-il pas intéressant de revaloriser le contenu auprès des industriels ?

Disons qu’il y a un principe de base qui est erroné. Il est intéressant de constater que les supports on déjà beaucoup changé, le fond donc la forme avec. Il est intéressant de faire une comparaison avec les arts plastiques dont les supports se sont modernisés bien plus rapidement qu’en musique. Et ce parce que le support de la photo a été inventé avant les supports de l’enregistrement. On y pense pas souvent mais c’est ça l’histoire. Si on considère l’encadrement de ce marché de la musique, on se rend compte que les programmateurs radios par exemple, formatent de la diffusion donc le goût des gens. Auparavant nous avions des directeurs artistiques qui sortaient de la musique, aujourd’hui, ce sont des gens formés en école de commerce à qui l’on a affaire.

Comment former les musiciens aux nouveaux usages qui vont forcément avec de nouvelles oreilles ?

Ce qui importe dans toute forme artistique, au-delà de l’esthétique et de la forme adaptée à un support, c’est le support d’amour, de sincérité et d’authenticité qui est communiqué.

J’ai vu une fille il y a un an, Zaz et elle est tellement impliquée dans ce qu’elle fait que j’ai su qu’elle ferait un carton. Cette fille chanterait du Pierre Boulez que ce serait toujours aussi sincère, on peut lui reprocher son style mais sa voix et l’intention qu’elle y met est incroyablement transmissible. Je reviens d’une tournée avec Mike Stern (ancien guitariste de Miles Davis), pris entre cette nouvelle esthétique très contemporaine du phrasé, de la mélodie et du blues. Quand il joue, il est authentique parce que sa connaissance harmonique complexe moderne transcende ces extraordinaire phrases bluesy. Les gens vont essayer d’intellectualiser mais quand l’animal est là, c’est tout simplement monstrueux. L’artiste est là et pas autre part. Là est la vrai difficulté.

Peut-être est la différence entre l’artisan et l’artiste. L’artisan va bien faire la chose, l’artiste va au-delà.

L’artiste, c’est celui qui est son art. Son art est une prolongation de lui et ça fait une sacré différence. C’est ce que l’on appelle le charisme, la personnalité. La formation d’un musicien ne s’arrête pas à une formation technique, c’est une formation humaine, psychologique et c’est celle-là qui m’intéresse. Les OS (ouvriers spécialisés) de la double croche ne m’émeuvent pas, ce qui m’intéresse, c’est de sortir la personnalité d’un apprenti musicien. Le style, l’esthétique et la forme viendront tout seul et par la suite.

Le conservatoire pourrait altérer dans sa rigueur et dans sa sacralisation l’expression individuelle de la vie. On met en avant l’œuvre et le répertoire et le musicien doit être au service de cette œuvre alors que c’est l’œuvre qui devrait être au service du musicien. Surtout une œuvre écrite.

Quels dispositifs sont mis en place pour permettre aux élèves de partir à l’étranger ?

Nous avons un partenariat avec les écoles de musique de Sao Paulo et Berkley. Nous sommes l’unique école française à faire partie de ce partenariat. Il partent souvent grâce à des bourses françaises qui sont plus facilement accordées quand l’élève appartient à notre école.

Estimez-vous qu’il existe assez d’opportunités pour nos élèves de partir à l’étranger ?

Aujourd’hui, avec les pôles supérieurs, les élèves pourront profiter des Erasmus qui vont permettre à plus d’élèves de partir.

Êtes-vous satisfait de la création musicale en France ?

Je n’y sens rien de très personnel. On a eu de la grande création avec Debussy, Ravel, la musique impressionniste, de la grande création avec la chanson française, de la grande création avec le jazz, Django Reinhardt et Grappelli. Toutes ces créations étaient très spécifiques à notre culture.

[Pause, Mike Stern est au téléphone]

Quel est votre sentiment par rapport à HADOPI ?

Je vais vous répondre en vous lisant un extrait du livre que j’espère sortir prochainement. C’est l’histoire d’un homme qui était trader dans une première vie et qui devient ensuite artiste photographe. L’extrait que je vous lis se situe au purgatoire et il répond à la question dans le chapitre Qu’est ce que l’art selon toi?

“[...]L’artiste comme le chercheur sont des visionnaires. Combien d’œuvres d’art furent en ce sens prémonitoires. Ceux qui travaillent dans cette démarche particulière de la pensée, de la recherche, devraient être éclaireurs de l’humanité. Ils pourraient peut-être nous indiquer un chemin moins long et moins chaotique, celui du bonheur. Malheureusement, le monde est bien trop souvent dirigé par des hommes dénués de vision humaniste, des mono maniaques du pouvoir terrestre.[...]

Le charisme de l’artiste est une des clés essentielles de sa communication. Un artiste qui en est empreint capte l’attention. Il est en quelque sorte un Merlin l’enchanteur. Son regard, son port, sa manière de se déplacer, sa voix vont définir ses notions de différence, d’extraordinaire de sensationnel que le public est venu chercher. L’artiste va y laisser sa chaire, son énergie pour se régénérer ensuite par la force du regard de l’autre et de ses applaudissements, de ses remerciements comme un effets de miroir. Alors seulement, il se sent exister et malheureusement souvent, sur exister.[...]

L’art est l’outil universel de cette communication car il nous interroge. Cela signifie-t-il que l’artiste doive adapter son œuvre pour la rendre plus accessible? Il me paraît plus juste de penser que c’est dans la volonté de donner, la charge d’amour à communiquer ou la sincérité du geste qui fondent la réussite de ce processus et cela se fait dans les deux sens. La responsabilité première en incombant bien sur à l’artiste. Celui-ci est porteur de l’objet à communiquer, il doit être lui-même soumis à la grandeur de sa mission sans toute fois devoir la sacraliser. Ce n’est pas son œuvre qu’il va offrir mais celle d’un ailleurs, qui se place entre son monde et celui du public. Réciproquement, le public, pourra, à travers le hiatus faire naître son propre ailleurs et s’y évader. Oui, c’est cela, s’évader[...]c’est le rêve qui permet aux fragments d’esprits de s’évader au-delà de notre cécité.[...]

Nous ne pouvons faire l’économie de l’art. Alors pourquoi, comme le proposait Nicolas Sarkozy dans l’esprit de la loi HADOPI, sur la protection des droits d’auteurs, vouloir lui adapter une économie spécifique?[...]

Si quelqu’un doit rémunérer l’artiste au cours du processus des services et échanges internet, ce sont les serveurs, car ces plateformes apportent aux internautes les moyens technologiques de pratiquer le libre échange, service qu’il font payer au prix fort tout en favorisant le piratage. Tant que ces serveurs n’auront pas trouvé les protocoles techniques permettant de protéger les œuvres du pillage, ils devraient s’acquitter des droits comme cela se fait depuis des décennies dans l’audiovisuel, tout comme ceux qui se cachent derrière les mots art et culture à des fins mercantiles devraient apporter leur contribution.

On pourrait alors imaginer que l’argent collecté soit équitablement réparti entre les artistes de cette industrie culturelle et ceux qui en sont systématiquement écartés. Ceci permettrait en toute solidarité à la création de s’épanouir et aux jeunes créateurs d’obtenir des subsides sous forme de commande mais aussi et surtout générer un support à l’éducation artistique pour tous. Car une bonne création nécessite un bon public.

Un système de calcul des rémunérations adapté pourrait ainsi être mis au point. Si l’art perdait ainsi de sa surévaluation financière, nous pourrions voir réapparaitre au service de la communauté des courants artistiques plus libérés s’exprimant dans une éthique conforme à ce que toute expression artistique authentique requiert mais cette solution serait un pis-aller car là où il y a de l’argent, il y a la plupart du temps absence de solidarité, d’humanité, d’intelligence. La problématique est complexe parce que la perception de l’art est subjective, immatérielle.”

La création n’existe pas pour moi. On découvre et on fait des assemblages.

Le financement de l’éducation et de la création devrait donc venir de ceux qui permettent la diffusion de la musique et ceux qui ne travaillent que pour l’industrie musicale. Par exemple, si je générais des droits, je serai taxé comme tous les autres. Un pourcentage serait prélevé aux artistes générant des droits. Moi, Beyoncé, ou Pierre Boulez.

Si nous souhaitons que l’art puisse rester dans son qualitatif un outil d’éveil des consciences, que ceux qui ne vont pas dans ce sens là, qui se servent de la musique comme un outil de manipulation des masses pour que ce soit rémunérateurs de droits, financent l’éducation des publics et artistes dont ils profitent. On sait très bien comment ça se passe dans le système de consommation.

On sait très bien qu’aujourd’hui, toutes les musiques qui sont des musiques de création, de recherche, d’expérimentation ne sont pas dans l’industrie, elles ne génèrent aucun droit puisqu’elles ne sont pas diffusées.

Le fait de former des publics au goût ferait que la musique “industrielle” devrait aussi monter son niveau puisque l’exigence du public s’élèverait elle aussi.

Une redistribution plus équitable pour l’éducation des publics, un maintien de la qualité de la musique et un support à la création. Une philosophie totalement anti-libérale.

Si l’on n’a pas l’éducation pour recevoir et l’écouter la musique sophistiquée et riche, eh bien on zappe.

A quoi va ressembler le monde de la musique selon vous dans 10 ans?

Tel que je le vois aujourd’hui, on retourne à des formes primitives. Être idéaliste c’est dire ce qui serait le meilleur pour tel ou telle chose. La question est donc: qu’est-ce qui ferait en sorte de favoriser l’art pour qu’il puisse grandir? L’art ne peut grandir que si les gens à qui il s’adresse grandissent.

Nicolas Sarkozy dit qu’il faut protéger la création mais encore faudrait-il se mettre d’accord sur ce qu’est la création. Après ces bonnes paroles, il protège l’industrie musicale. Mais pour dire la vérité, il ne peut pas faire les deux. On ne peut pas protéger l’industrie musicale et la création.

D’un point de vue général, disons majoritaire, dire que l’argent dévalorise l’art est pourtant un non-sens.

C’est un problème. L’argent “valorise” tout sauf les valeurs universelles. C’est à dire que pour de l’argent, on va sacrifier de la vie humaine. Pour de l’argent, on va sacrifier de l’intelligence. Avec l’argent on maintient l’homme dans l’ignorance pour mieux le manipuler.

Quand je reçois l’ancien patron d’une grande chaine de télévision au Haut Conseil et qu’il me dit: “oui, je manipule les cerveaux car je suis une entreprise, pas une entreprise philanthropique”, ça veut donc dire que la loi du marché passe avant tout. Et si elle passe avant tout, ça veut dire qu’une société ne peut pas fonctionner en adéquation avec des valeurs humanistes.

Internet permettrait-il de renverser ce système ou du moins le rendre un peu plus équilibré ?

Internet, c’est une vraie bouée de sauvetage. Puisque c’est quelque chose qui se passe d’internautes à internautes, il n’y a plus de filtre! Sauf qu’il se prépare actuellement une réelle guerre sur les protocoles de possession des filtres. Et là, les politiques émettront des lois restrictives telle HADOPI pour pouvoir contrôler le marché, faire passer leurs pubs et leurs humeurs. Il y aura guerre parce qu’il y aura une révolte. Les internautes sont, on le sait, bien plus rapides et efficaces que les équipes engagée par les gouvernements et la guerre risque d’être violente. Les protocoles techniques que les politiques tentent de mettre en place sont tout de suite déjoués par n’importe quel hacker. Tout est immédiatement piraté, c’est un jeu d’enfant pour les hacker.

Dès que les politiques touchent à cet espace de liberté, il y a tout de suite de gros remous. HADOPI représente un nerf de cette guerre qui est loin d’être terminée.

Je ne suis effectivement pas pour HADOPI pour toutes les raisons évoquées précédemment.

Mon devoir à moi, quand je suis au conseil est de tenter de sauvegarder la pratique artistique et plus encore d’encourager la formation du public. Le seul moyen est de toujours revenir sur la base de la réflexion: qu’est-ce que l’art? L’art ne doit en tout cas pas être un outil d’asservissement mais un véhicule d’élévation.

La plupart des gens veulent faire de la musique pour être riche et célèbre. Pourquoi pas, mais n’appelons pas ça nécessairement de l’art mais simplement un besoin de reconnaissance.

Crédits photos : FlickR CC Guillaume Laurent;

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Qu’en pensent les grands de la Nouvelle Orléans? http://owni.fr/2010/11/20/quen-pensent-les-grands-de-la-nouvelle-orleans/ http://owni.fr/2010/11/20/quen-pensent-les-grands-de-la-nouvelle-orleans/#comments Sat, 20 Nov 2010 09:36:31 +0000 Anastasia Levy http://owni.fr/?p=28125 Anastasia Levy est une jeune journaliste spécialisée dans les domaines de la musique, du cinéma et de la culture. Elle collabore notamment à Libération et Usbek & Rica. Vous pouvez la retrouver sur Twitter ici.

Christian Scott, 27 ans, est très certainement le trompettiste de jazz le plus brillant aujourd’hui. Neveu du saxophoniste Donald Harrison, très ancré dans la tradition du jazz de la Nouvelle-Orléans, il dépasse toutes les barrières que de simples critiques pourraient mettre sur son chemin. Quand il parle de ses musiciens de référence, c’est plus souvent Bob Dylan et Jimi Hendrix qui reviennent qu’un classique Miles Davis. Ce qui ne l’a pas empêché d’être appelé par Marcus Miller pour “jouer le rôle” de celui qui régna sur le monde de la trompette pendant 30 ans, pour la tournée “Tutu revisited”, en 2009. Depuis, Christian Scott a sorti son quatrième album solo, Yesterday you said tomorrow, et a encore fait un pas supplémentaire pour sortir de l’ombre de celui auquel on ne cesse de le comparer. En 2010, en plus d’un album et de deux tournées avec son groupe, le jeune homme a pris le temps de répondre à l’invitation de Thom Yorke à le rejoindre sur la tournée d’Atoms For Peace. Le leader de Radiohead dont il a d’ailleurs repris un des titres, The Eraser, comme pour affirmer qu’il n’avait pas fini de nous surprendre. Il se balade du jazz, aux sons hip hop, en passant par le rock avec une étonnante simplicité.
Christian Scott est un garçon moderne, simple et gentil, militant, passionné de mode et de hip hop et assez populaire pour passer chez Jimmy Fallon ou Jimmy Kimmel. Il a par ailleurs directement inspiré un des personnages de la série Treme, Delmond Lambreaux, et a donné des cours à Mickey Rourke pour son interprétation d’un trompettiste dans Passion play. Il ne s’arrête jamais d’être passionné, quoi qu’il fasse, même une interview.


Que penses-tu des gens qui téléchargent ta musique illégalement ?

Ça ne me pose pas de problème. Pour moi, la musique est une expérience que je partage avec les gens ; il y a une relation entre l’ artiste et le public. Si on ne vivait pas dans une société dans laquelle l’ argent était aussi important, je la diffuserais gratuitement. Mais c’ est compliqué si on veut réussir à vivre de sa musique, et c’ est pour ça qu’on est presque tous obligés de faire payer pour les CD et les téléchargements. Mais le téléchargement illégal ne me pose vraiment pas de problème, je vois même ça comme une sorte de relation amoureuse.
Quand tu sors avec quelqu’un, tu ne vas pas lui demander de l’ argent en échange de ce que tu apportes à la relation, il ne devrait pas payer pour sortir avec toi, tu vois ce que je veux dire ?
Pour moi, la musique, c’ est la même chose. En plus je suis du genre à filer pas mal de musique gratos. J’ ai des coupons de téléchargement dans mon sac, qu’ on offre à la fin des concerts. C’est pas une question de business ou de capitalisme, on fait ça pour toucher les gens. Pour moi le problème c’ est que les maisons de disques ne comprennent pas la psyché humaine. Quand l’ Homme a besoin de quelque chose, si tu lui compliques la tâche, il finira toujours par trouver un autre moyen de se le procurer. Je vais faire un parallèle : si tu es pauvre, tu aurais beau être très religieux, très pieux, à la fin de la journée si tu as faim mais que tu n’as pas les moyens d’acheter à manger, tu finirais probablement par voler ta nourriture.
Plein de gens vont te dire que c’est des conneries, mais j’ai grandi à la Nouvelle-Orléans et quand tu as vu les choses que j’ ai vues, tu sais que si un mec a faim, il va faire tout pour manger. C’ est pareil avec la musique, les gens en ont besoin pour leur santé mentale. Ça n’ est pas juste du bruit, ça touche bien plus qu’ on ne le pense. C’est pour ça qu’on se sent d’une certaine manière quand on écoute certaines chansons, tout ça est connecté. Et si tu prives quelqu’un de ce dont il a besoin, ou de ce dont il pense avoir besoin pour survivre, il va trouver un moyen de se le procurer.

Penses-tu que l’industrie de la musique, telle qu’elle existe aujourd’hui, a un avenir ?

Je viens de voir « The Social Network » et il y a ce type, Sean Parker, qui a créé Napster et qui raconte comment il a détruit l’ industrie de la musique. C’ est intéressant parce que pour moi, ce film montre l’anarchie à échelle réduite. J’ai l’impression que tout ce qui se passe aujourd’hui avec le téléchargement et l’ évolution de l’ industrie musicale, ça a mis un peu tout le monde sur un pied d’égalité. Ça a permis à des groupes qui ne sont pas signés chez de grandes maisons de disques ou qui ne sont pas assez « commerciaux » pour un comptable ou un label, de contribuer au « canon » de cette génération de musiciens. Et grâce à ça, le paysage musical aujourd’hui est plus étendu que jamais.
Je suis chez une major mais je suis un musicien de jazz, donc j’ ai une sorte de vision d’ensemble du sujet. Ma musique est plus proche de l’indie, en fait. Je vous parie ma carrière que l’industrie musicale ne restera pas comme elle est aujourd’hui ; elle va changer, et de manière radicale. De toute façon, ces grandes maisons de disques ont beaucoup d’argent et de ressources, et je pense qu’ elle finiront par trouver un autre moyen de manipuler les artistes et de se faire de l’ argent en abusant des gens. Ça craint et je n’approuve pas cette manière de faire, mais en même temps je comprends leur mode de pensée. Ils se fichent des conséquences de leurs actes, et ils n’ont aucune espèce de morale dans la manière dont ils traitent les artistes et les auditeurs. Ces gens-là qui détiennent des millions de dollars vont trouver un moyen d’empêcher leurs artistes de partir.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pourrais-tu distribuer un album comme Radiohead l’a fait avec In Rainbows ? (ndlr : En 2007, le groupe a sorti son album via son site internet en laissant le choix à ses fans de fixer le prix auquel ils voulaient l’acheter).

Oui, carrément. En fait je suis en train de monter un nouveau label, Harmony American Music, sur lequel on va sortir les disque de Matthew Stevens, le guitariste de mon groupe, de Jamire Williams, mon batteur, de quelques MC de New-York, et de chanteurs soul. En ce moment on est en train de réfléchir au processus de distribution, mais ouais, ça me plairait de faire quelque chose comme ça. C’ est génial pour la musique en général de dire : « Tiens, prends, et donne ce que tu peux en échange ». J’ ai déjà travaillé avec Thom Yorke, on a fait cette tournée ensemble avec Atoms For Peace aux Etats-Unis, et c’est quelqu’un d’incroyable.
On a beaucoup discuté, c’ est un musicien passionné, un artiste qui bouillonne d’idées, un mec brillant. C’était génial d’avoir la chance de travailler à ses côtés. Quand il m’ a invité à les rejoindre sur la tournée, je tournais déjà avec mon propre groupe, donc je n’ ai joué avec eux que cinq fois, mais c’ était incroyable.

Tu as repris The Eraser, de Thom Yorke, sur ton album. C’était naturel pour toi de reprendre une chanson électro ?

Complètement ! En fait je ne perçois pas la musique de cette manière, je la vois comme je vois les gens. Les gens peuvent te rendre heureux, triste, te blesser… Quand j’écoute de la musique plutôt positive, je m’y mets à fond, et j’ essaie d’ en apprendre le plus possible. Pour moi la musique c’est ce qui fait que le monde tel qu’il est, et si elle a un effet positif, alors ça m’ intéresse. Ça peut être de la polka, ça peut être n’ importe quoi si je pense que la personne qui la fait la fait avec son cœur, et si cette musique doit faire bouger les choses, ou aider les gens à surmonter des épreuves.

Qu’est-ce que tu penses de la dématérialisation de la musique ?

Je suis né dans les années 80 et à l’ époque, c’était cassette ou CD. Mon grand-père avait une collection de plus de 7,500 disques de jazz et j’ ai grandi en écoutant des vinyles, donc je préfère avoir quelque chose de tangible dans les mains. Mais je fais partie d’une génération de paresseux donc ça m’arrive d’aller sur iTunes, d’acheter des morceaux, et ça me va aussi. Ça dépend du genre de musique en fait, si c’est le nouvel Arcade Fire, ça ne me dérange pas de ne pas l’ avoir dans les mains. Mais si j’ achète Charlie Parker with strings ou Blonde on Blonde de Bob Dylan, je préfère l’ avoir en vinyle ou en CD, parce qu’ à un moment, je vais avoir envie de les transmettre à mes enfants. Offrir des morceaux iTunes à quelqu’un, ça n’a rien à voir. C’est quelque chose qui compte beaucoup pour moi. J’ ai Blonde on Blonde en vinyle, et je peux écouter « 4th time around » encore et encore. Ma chanson préférée de Dylan c’est « Only A Pawn In Their Game ». Un jour, un journaliste qui m’interviewait a cru m’ insulter en me disant que j’ étais le « Bob Dylan du jazz ». J’ ai explosé de rire et je lui ai répondu : « C’ est le plus beau compliment qu’on puisse me faire ! ».

Comment vois-tu ta présence sur les réseaux sociaux, Twitter, Facebook ?

C’ est assez bizarre, parce que je suis quelqu’un de plutôt secret. Je suis en tournée 10 mois par an, et quand je suis chez moi je passe du temps avec ma famille, avec les gens que j’ aime. Quand je suis sur la route j’ai des journées de dingue et je n’ ai pas vraiment le temps d’ aller sur Facebook. Je reçois une cinquantaine de mails par jour ; du producteur, du manager, du manager de la tournée… Sans parler des mails persos. J’ aime bien aller sur Twitter et Facebook, mais je n’ aime pas trop l’ idée que tout le monde sache le moindre truc sur toi.
Mon manager, mon agent, les distributeurs me disent : « Putain, mais tu devrais avoir 50 000 followers sur Twitter », mais ça ne m’ intéresse pas vraiment. Mes amis Facebook et moi on ne s’apporte pas grand chose, en vrai.

Peux-tu m’expliquer le titre de ton dernier album : « Yesterday you said tomorrow » ?

À force d’expérience, de voyager, d’ être un « citoyen du monde », j’ ai réalisé que dans le monde entier des gens se battent pour être entendus. J’ aime rencontrer les gens, leur parler, et tout le monde semble avoir quelque chose à dire sur un truc qu’ on leur a imposé, quelque chose qui aurait dû changer dans leur vie mais qui est resté le même. Je voulais faire un album pour dire que c’ est maintenant qu’ on doit changer les choses. Chaque génération a ses propres problèmes, mais s’il y a une chose qui reste immuable c’ est cette dynamique entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre ceux qui ont et ceux qui n’ ont pas. Ceux qui n’ ont pas se sont toujours battus pour avoir des droits et pouvoir faire ce que les nantis font sans se poser de question. Mon message c’était: « Ça fait des dizaines d’années que vous avez promis de régler ces problèmes. Il est temps d’ agir car nous n’ allons plus vous laisser faire ».
L’autre explication, ça a à voir avec mon grand-père. Quand on était petits avec mon frère jumeau, il nous forçait à lire tous les jours. Il nous faisait lire La Dialectique d’ Hegel, l’ autobiographie de Malcolm X, L’ Homme révolté de Camus… Tous les matins, il nous demandait ce qu’ on avait lu, ce qu’ on en avait pensé, et on échangeait nos idées dessus. Si on n’ avait pas encore fini notre livre, notre grand-père disait : « Hier tu disais demain » (Yesterday you said tomorrow).

Peux-tu me parler de ton style et de ton évolution musicale ?

Mon oncle est saxophoniste, Donald Harrison Jr. Quand j’ étais petit, je voulais tellement être tout le temps avec lui que j’ ai décidé de commencer la trompette. Quand tu côtoies de telles pointures, Donald ou Wynton Marsalis, tu apprends des choses qu’on n’apprend pas dans les écoles de musique. C’ est bien plus que des notes. À cause de mes origines, la plupart des gens s’ attendaient à ce que mon premier album soit dans cette lignée, du jazz classique. Mais ce que je voulais c’ était faire quelque chose qui intéresserait notre génération. J’ ai eu la chance de voir mon premier album nommé aux Grammy Awards, ça a facilité beaucoup de choses.
Mais j’avais envie d’ essayer de créer une palette et synthétiser un son lié à cette génération.
Au fil des cinq albums suivants, j’ ai juste cherché à peaufiner cette palette, ce son, ces concepts et ces idées. En fait ce qu’on essaie de faire c’est créer des palettes et travailler avec des textures, des sons et des contrastes qui donneront à la prochaine génération de jazzmen différentes brèches où s’ engouffrer.

En 2009, tu as rejoins la tournée avec Marcus Miller, « Tutu revisited ». Avais-tu peur d’être sans cesse comparé à Miles Davis ?

Pas vraiment. Depuis que j’ ai 14 ans, les gens disent « C’ est le nouveau Miles Davis », même avant que je joue vraiment bien. D’ un côté je déteste ça, et d’ un autre, ça me flatte. Ils ne disent pas que ma musique ressemble à la sienne, parce que c’est faux, mais je crois que ce qu’ ils veulent dire, c’ est qu’ on a un peu la même approche des choses, que comme lui je cherche constamment à évoluer, à peaufiner des choses. Tous les musiciens ne sont pas comme ça ; beaucoup d’entre eux sont très bien là où ils sont. Même en créant ces trompettes (ndlr : il a deux nouvelles trompettes qu’ il a lui-même dessinées) j’ai essayé de m’ améliorer, de toucher quelque chose. Dans ce sens, j’ apprécie la comparaison. Mais Miles Davis a vécu, est mort, et a dit ce qu’ il avait à dire. Et personne d’ autre que Miles Davis ne pourra le dire mieux que lui. Tout comme personne ne pourra venir après moi et faire du Christian Scott mieux que moi. Quand Marcus m’ a appelé, j’ ai dit oui à l’ idée de tourner avec Marcus Miller. C’ est un génie, il sait diriger un groupe, il est juste et particulièrement doué pour comprendre la relation qu’ont les gens à la musique. Et je savais que ça m’ apporterait beaucoup de côtoyer un tel maître, un monsieur qui a cinquante ans mais qui est au sommet de son art. Il m’ a dit : « Écoute, je ne veux pas que tu joues comme Miles Davis. Miles Davis n’ aurait pas voulu que tu joues comme lui. Mais tu as la bonne approche. » Alors j’ ai dit oui.

Comment penses-tu que la musique devrait être enseignée ? Tu as fait Berklee, qu’est-ce que tu y as appris ?

Je pense qu’il est fondamental d’ apprendre les règles. En ne perdant pas de vue que la plupart du temps, les règles sont culturelles. Dans les conservatoires, les écoles de musique, on apprend la musique à la manière occidentale. A Bombay par exemple, le système est complètement différent. Pour moi, il est très important quand on enseigne la musique à un enfant de lui dire que ce n’est pas la seule manière d’apprendre et qu’il devrait essayer d’ en découvrir d’autres, autant qu’il peut. Comme la plupart des gens, j’ai d’abord appris à l’occidentale, et ensuite je me suis intéressé aux autres systèmes d’apprentissage. Quand tu commences le jazz à la Nouvelle-Orléans, que tu apprends avec ceux qui ont créé cette musique, dans les bars et les rues, pas à Berklee, tu comprends que la musique est comme ça parce que les Africains de la Nouvelle-Orléans ont trouvé un moyen de manipuler ce système occidental en y apportant des harmonies qui n’ existaient pas en Occident. Ils avaient plus de notes. Pour moi, les règles existent, et il faut les apprendre, mais elles sont aussi là pour être transgressées. Si tu saisis à quel point les règles sont culturelles et que tu essaies de toutes les comprendre, ça ne fera de toi qu’un meilleur musicien.
Pour Berklee, c’ est compliqué. Je ne veux pas passer pour quelqu’un de prétentieux, mais quand je suis arrivé là-bas, je me suis rendu compte que je savais mieux jouer que certains de mes professeurs. Je suis resté deux ans et j’ ai eu deux diplômes qu’ on obtient normalement en six années. J’ ai plus appris de mes pairs, c’ est ça qui est cool à Berklee. Tu peux te retrouver dans une classe avec un Algérien avec des dents en or et un mec d’ Osaka avec une iroquois, et ils ont un groupe ensemble. T’ imagines quel genre de musique peut naître de gens avec des cultures aussi différentes ? C’ est beau, je trouve ça extraordinaire. Berklee c’est le meilleur endroit au monde pour apprendre la musique, grâce à tous ces gens qui viennent des quatre coins du monde. Ce n’ est pas bien ou pas bien, on te dit « C’ est juste des sons, maintenant jouez tous ensemble ».

Peux-tu me parler des membres de ton groupe ?

Le directeur musical du groupe, c’ est Matthew Stevens, le guitariste. Il vient de Toronto, il est fantastique. On s’ est rencontrés à Berklee il y a dix ans. Il y a une sincérité dans son jeu, c’est quelque chose de plutôt inhabituel. Il a un peu dû se battre contre l’ idée débile que les blancs ne peuvent pas jouer du blues ou du jazz. Je ne suis pas d’ accord avec ça, quand je l’ écoute jouer du blues, ça n’ est pas moins du blues qu’un autre, ça vient juste d’ une expérience différente.
Mon batteur, c’ est Jamire Williams. Il joue avec une telle intensité, je l’ adore. Ce mec est une anomalie. Quand tu l’ écoutes jouer, tu te dis : « Putain mais il est en train de se passer un truc complètement dingue là ?! »
Je cherche des musiciens qui ont une psychologie particulière. Lui quand il était gamin, il était tellement doué que personne ne le comprenait, les autres se moquaient de lui. Ça l’ a poussé à travailler dix fois plus que les autres. Il connaît tout de son instrument ; tous les sons qu’il peut en tirer, tous les plus grands batteurs. On a un nouveau pianiste qui a 21 ans, je l’ ai entendu mais on n’ a encore jamais joué ensemble.
Kris Funn c’est notre contrebassiste. Il est taré, je l’ adore. Il y a tellement de blues dans son jeu, putain ce mec est le musicien le plus métissé qui aie jamais joué de contrebasse. Il joue comme s’ il venait du quartier. Musicalement, on parle le même langage lui et moi.

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Crédits photos CC flickr (photo clé): evert-jan; mitch98000; zbook

Crédits photos Droits Réservés (live @ New Morning Paris): Jokerwoman

Traduit par Anastasia Levy et Nora Bouazzouni

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L’iPad, votre prochain outil de production musicale ? http://owni.fr/2010/09/22/lipad-votre-prochain-outil-de-production-musicale/ http://owni.fr/2010/09/22/lipad-votre-prochain-outil-de-production-musicale/#comments Wed, 22 Sep 2010 18:07:43 +0000 Eric Dupin http://owni.fr/?p=26702 Eric Dupin est consultant internet et blogueur. Son site, presse-citron.net, est une des références françaises sur les tendances du web et des nouvelles technologies.


Je me souviens d’un temps où les premières boîtes à rythme grand public ont fait leur apparition, tentant de singer plus ou moins adroitement la mythique Linn Drum. Ceux qui ont connu la jubilation de pianoter sur une TR606 me comprendront. Ont suivi les premiers samplers, probablement l’une des inventions les plus extraordinaires de l’histoire de la musique. Des machines magiques (et maintenant d’une banalité affligeante) qui permettaient d’enregistrer n’importe-quel son et de le rejouer sur un clavier de synthétiseur, avec vélocité et tonalité.

Sont arrivés ensuite les premiers magnétophones analogiques multi-pistes, avec 4, puis 8, puis 12 et 16 pistes, qui rendaient possible l’enregistrement d’un groupe complet de musiciens et plusieurs instruments directement sur une mini-cassette, avec en prime le réglage du panoramique stéréo, des effets et du volume séparé par piste.

Tout ce petit monde merveilleux a été balayé par la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) et l’émergence des home-studios numériques : un petit logiciel, une bonne carte son et hop tu deviens le fils illégitime de Mozart et de Moby. Ou l’inverse.

Quand je vois (et teste) les applications musicales pour iPad, je me dis que la prochaine révolution musicale est peut-être déjà là, en route, sous nos yeux. En fait, concernant les applications musicales, je teste à peu près tout ce qui sort en version gratuite, même si je n’en parle que très peu ici. Inutile de dire que tel l’enfant qui déballe fiévreusement ses paquets au pied du sapin dans le petit matin frileux d’un 25 décembre, je suis souvent ébahi par ce que je touche, vois et entends.

Avec la presse, la musique, l’autre killer app de l’iPad ?

Et pourtant je pense que nous n’en sommes qu’au début. Je dois avoir une dizaine d’applications de création musicale sur mon iPad, que je bidouille à temps perdu. Tout n’est pas intuitif, tout ne correspond pas à mes goûts musicaux ou à mon approche de la musique, mais toutes ont un point commun : quand vous commencez à trafiquer du son, du pitch et du beat, vous avez du mal à vous arrêter.

Ajoutez à cela la sensibilité de l’écran de l’iPad et vous avez un mix parfait pour remiser votre vieux home-studio et le remplacer par une tablette qui en outre vous accompagnera partout.

Vous êtes guitariste ? Essayez donc Guitar ou Pocket Guitar. Celui qui inventera l’application qui mixe le meilleur de ces deux-là aura droit à toute ma reconnaissance, à fortiori s’il trouve un compromis acceptable entre iPhone et iPad pour l’espacement entre les cordes (sur l’iPad c’est trop large et sur l’iPhone trop étroit). Six Strings peut-être ? Le son des acoustiques dans Guitar est tout simplement hallucinant de réalisme et de fidélité. Vous êtes pianiste, claviériste ? Vituoso HD ou JamPad feront votre bonheur. Ici aussi le son, notamment sur JamPad, est incroyable.

Six Strings

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Vous êtes DJ, vous aimez l’électro et mixer autre chose que de la soupe aux poireaux : jetez-vous sur GrooveMaker ou BleepPlayer, et prenez-vous pour David Sinclar ou Bob Guetta. Vous avez adoré le Gaffophone et vous rêvez de nouveaux instruments de musique pas vus ailleurs, inventés spécialement pour l’iPad ? Seline HD ou le très planant Bloom (normal, il a été conçu en collaboration avec Brian Eno) sont faits pour vous.

GrooveMaker

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Enfin, le must pour moi : le studio complet multi-pistes pour iPad : StudioTrack de Sonoma Wire Works, qui vous permet de faire du re-recording à gogo dans votre cuisine.

StudioTrack

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Musique low-cost et grands effets

Autres temps, autres mœurs, le plus savoureux dans tout cela est le coût dérisoire de toutes ces applications : les plus chères doivent dangereusement flirter avec la barre des 50 euros, ce qui à l’ère du numérique et du tout gratuit ou pas cher pourrait paraître exorbitant. « Pourrait » seulement, car je rappelle à toutes fins utiles que la moindre boîte multi-effets « en dur » pour guitare coûte… le prix d’un iPad, ou presque, soit entre 300 et 500 euros. L’usage n’est pas tout à fait le même mais c’est juste pour remettre les choses en perspective. Bref, avec un iPad (ou toute autre tablette équivalente, je précise car je n’ai aucune action chez Apple), vous avez pour quelques dizaines d’euros l’équivalent de ce que vous aurez en dur pour quelques milliers d’euros. Et vous gagnez de la place.

Bien sûr, rien ne remplace un vrai studio, ni même un home-studio, mais pour un usage occasionnel et amateur, je ne vois plus trop ce qui pourrait justifier l’achat d’un matériel coûteux, fastidieux à installer et consommateur d’espace et d’énergie.

Pas tout à fait convaincus ? Allez, je suis d’humeur généreuse aujourd’hui : voici encore quelques vidéos de démonstration des possibilités offertes par les applications musicales mentionnées dans cet article. [...]. Let the music play…

Korg iElectribe

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Looptastic

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Seline HD

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Cet article a été initalement publié sur le blog d’Eric Dupin, Presse-citron.net.

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cc flickr : tacoekkel, Christian Steen, docpop

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La musique comme simple produit d’appel? http://owni.fr/2010/08/30/la-musique-comme-simple-produit-dappel/ http://owni.fr/2010/08/30/la-musique-comme-simple-produit-dappel/#comments Mon, 30 Aug 2010 13:25:57 +0000 Kévin Lacroix http://owni.fr/?p=26283 Quel est l’avenir de la création musicale?

Voilà la question qui turlupine les personnes qui, comme moi , espèrent ne pas avoir à pointer à Pôle Emploi d’ici quelques mois ou quelques années. C’est d’ailleurs ce que prédisait déjà le prophète Thom Yorke. Enfin bon, tout dépend dans quelle partie du verre on se retrouve. Il y a ceux qui respirent encore et qui se disent qu’il y a encore vachement d’air. Et puis il y a les autres. Ceux qui s’y sont déjà noyés depuis longtemps. C’est vrai que le disque se casse la gueule. En dehors des concerts à 120 euros le billet, la grande majorité des salles de concert se vide.

Alors, on a vu une multitude de solutions intéressantes, innovantes, ou parfois même assez flippantes, voir le jour. Il semble, cela dit, que toutes ces expérimentations, qui seront peut être les business models de demain, se rejoignent sur un point : la valeur de la musique diminuerait petit à petit pour n’avoir presque plus qu’une simple valeur de produit d’appel.

Vous savez… les produits d’appel : ces produits souvent bas de gamme, vendus à bas prix. Ces produits sont utilisés par les commerçants afin d’attirer le client vers un point de vente bien particulier. Bon j’avoue… il arrive aussi que ce soit un produit de qualité sur lequel on pratique un tronçonnage du prix. Cette technique a pour principe une politique de faible marge qui pousse le client à s’intéresser à d’autres produits où la marge est, elle, nettement plus volumineuse (pas folle la guêpe).

Apple est à mon sens l’un des exemples les plus intéressants illustrant ce propos. Prenez iTunes par exemple. Loin de moi l’idée de dire qu’Apple sont de vilains méchants qui abusent de la crédulité des clients (quel commerçant ne l’a jamais fait?) et qu’ils tirent des profits juteux du business culturel … Non ! iTunes est bel est bien une plate-forme qui distribue de la musique (et maintenant des films) à bas prix, d’une qualité pas trop mauvaise. Mais quel intérêt tire ce mastodonte de la high-tech à vendre des produits qui aujourd’hui ne se vendent plus ou mal ? (par rapport aux années glorieuses de la musique enregistrée) Tout ! Effectivement, Apple semblent utiliser la musique et les biens culturels comme produits d’appels dans le simple but de vendre des iPod, des iPhones et maintenant des iPad. Et apparemment ça marche.

Et les artistes alors ?

Il semble que les artistes, dont beaucoup ont vu leurs revenus fondre comme neige au soleil, ont décidé de transformer et d’utiliser leur image publique comme véritable image de marque. Ils utilisent désormais leur musique, non plus comme source de revenus, mais comme produit visant à vendre d’autres produits à plus forte valeur ajoutée.

Le merchandising par exemple devient la principale source financière des artistes de musiques actuelles. Il n’y a encore pas si longtemps, on ne voyait que des CDs, des DVDs, et des tee-shirts sur les stands de merchandising (comme on dit quand on est vrai aficionado des salles de concerts)… la base quoi. Mais internet a permis à certains artistes de transformer leur propre site en véritable vitrine commerciale.

Prenez le groupe KISS par exemple. Leur boutique en ligne est certainement l’une des plus singulière en terme de revenus annexes. Le groupe a réussi un tour de force en utilisant leur image mondialement médiatisée. Connue depuis plus de 30 ans, cette dernière est devenue une marque à part entière. A voir la liste interminable d’objets et de produits proposés dans la boutique… Kiss n’est plus simplement un groupe, c’est carrément un hypermarché ! On peut désormais acheter du simple tee-shirt KISS, au vin KISS, au flipper KISS, et même au cercueil KISS (Dimebag Darell, le légendaire guitariste assassiné du groupe Pantera, est d’ailleurs « l’heureux propriétaire » d’un exemplaire. La classe !). Même Jónsi, surtout connu pour être le chanteur du groupe Sigur Rós vend désormais son propre chocolat !

Aussi très significative, l’opération dont la signature n’est pas inconnue : How to Destroy Angels, le nouveau side project de Trent Reznor avec sa propre femme. Il ont proposé à la sortie de leur premier EP une opération très Nine Inch Nailsesque. En effet, le fan pouvait télécharger l’album gratuitement et légalement contre une adresse email. Mais il pouvait aussi, contre une somme d’argent plus élevée (19 euros en moyenne), avoir le luxe de se payer un tee-shirt en plus de la musique gratuite. Pour vous dire, j’ai moi-même failli craquer.

Et sinon, êtes-vous l’heureux propriétaire des écouteurs Lady Gaga ?! Écoutez-vous votre musique Lady Gaga sur votre iPhone décoré aux couleurs Lady Gaga ? Moi non… mais j’aurais très bien pu. Il faut bien l’avouer, la jeune Stefani a fait de son personnage un véritable empire bien ficelé grâce à une stratégie web des plus convaincantes , avec toujours la musique comme base solide. Il n’y avait plus, pour elle, qu’à se baisser pour ramasser. Pour celle qui a fait de « son » image une véritable marque déposée, la création musicale semble être devenue un accessoire de second plan. Il paraît évident que Gaga ne cherche pas à faire du business musical à l’ancienne comme l’aurait fait un certain Mickael Jackson dans la fleur de l’âge… et surtout 20 ans auparavant. Non, la musique pour L-la blonde platine de 23 ans n’est que la simple fondation d’un immeuble immense fait de revenus annexes et de merchandising à profusion.

Mylène Farmer pourrait presque dire qu’elle lui a tout piqué !

Maynard James Keenan, le charismatique chanteur des groupes « Tool » et « A Prefect Circle », lui non plus ne semble plus vraiment croire au potentiel financier de sa création artistique. Et pourtant, le talent de ses groupes lui ont valu quelques millions d’albums vendus dans le monde entier et des tournées toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Keenan est apparemment un homme lucide. Après la sortie de l’excellent « 10 000 days », le chanteur décide de s’improviser viticulteur pour assurer à sa descendance un avenir et un héritage solide. Les royalties ne sont-elles donc plus suffisantes ? Le disque ne constitue-t-il plus une base solide de revenu ? Vraisemblablement non. Et d’ailleurs, non content d’avoir investi dans un domaine purement rentable, le vin, Maynard J. Keenan a monté en parallèle un projet multi-culturel, multi-média et multi-artistes du nom de Puscifer. Et Keenan ne s’en cache pas, pour lui Puscifer est aussi bien un projet musical qu’une ligne de vêtement, dont Adam Jones (guitariste et principal composteur de Tool) n’est que le simple designer.

Keenan et tous les autres artistes, bien que tous très talentueux, ne semblent justement ne plus croire que seul le talent leur assurera une carrière et une vie stable, ainsi qu’une retraite extravagante. Alors, pourquoi ne pas l’utiliser et élargir leur gamme de produit ?

Loin de moi l’envie de tirer sur l’ambulance. Même si de telles directives n’améliorent en rien la situation presque précaire de l’industrie musicale, si elles permettent à nos artistes tant aimés de continuer à produire de la musique, fusse-t-il pour en vivre directement ou indirectement, et bien vous m’en voyez ravi ! Au fond, c’est tout ce qu’on leur demande non ?
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Ce billet a initialement été publié sur le blog de Kevin Lacroix,http://klxnoway.tumblr.com
Crédits CC flickr : Abdulrahman`?????g?????? ?Jonathan_W

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