Le web, mort?|| Autant se demander si le papier l’est aussi!

Le 3 août 2010

Il se pourrait que Chris Anderson, le gourou du magazine américain Wired, consacre sa prochaine une à la "mort du web", précipité notamment par les nouveaux supports. Mais le web tel qu'on le connaît est-il vraiment mort ?

La question est lancée par un blog américain qui se demande si Chris Anderson, le patron de Wired, n’a pas l’intention d’en faire la prochaine couverture de son magazine. “The Web is Dead” expliquerait que l’arrivée des mobiles et de l’iPad auraient sonné le glas de cet ancien monde que serait devenu le WWW.

Chris Anderson fait partie des visionnaires de notre temps, il est le premier à avoir parlé de la “longue traine” (“The Long Tail“). Il est également l’auteur de “Free”, qui explique que nous sommes entrés dans l’économie du gratuit. Il est possible qu’il n’ait pas écrit d’article prônant la mort du web, mais le simple fait qu’on se demande s’il ne serait pas en train d’y penser, est révélateur des interrogations du moment sur l’avenir de l’Internet.

Et donc, notamment, des prochains investissements des médias.

L’évolution du marché mobile est sans équivoque. 92% de pénétration de la 3G en 2014 en Europe de l’Ouest (selon Morgan Stanley), multiplié par 4 selon Forrester qui prévoit une pénétration de l’Internet mobile de 41% (67% en 2009 pour l’Internet via un ordinateur).

Nous allons clairement vers la mobilité qui, sur le marché dominant des iPhones et des smartphones Android, se manifeste par une tendance à utiliser l’Internet via les applications, au détriment du web (du navigateur web).

Pour autant, la messe est-elle dite ?

Voici quelques pistes.

1) Tablettes: le retour du web

L’arrivée de l’iPad, qui réconcilie l’ordinateur avec la mobilité, continue de dynamiser le marché des applications. Mais il sonne également le retour du web. L’iPad est un excellent navigateur. Et bon nombre d’applications devenues indispensables sur iPhone en raison des limitations ergonomiques de son navigateur (liées au petit écran), ne le sont plus sur l’iPad. Les médias devraient donc réfléchir à deux fois avant de délaisser le web pour se ruer sur les apps.

Par contre il faudra s’adapter aux écrans, et aux usages de navigation sur tablette tactile.

2) Le média personnel

Sur les tablettes, la bataille sera aussi celle des applications d’agrégation: l’ère des médias personnels, comme Pulse, Appolo, Flipboard ou The Early Edition, qui s’adapte à vos usages de lecture et à votre réseau social pour proposer une information de proximité et personnalisée, agrégeant plusieurs sources. Et qui vous accompagne où que vous soyez.

3) La continuité des écrans

La question n’est finalement pas de savoir s’il faut investir dans une application ou dans un site web. Mais d’être capable d’organiser un média en un flux organisé qui accompagne l’utilisateur partout où il se trouve. Et sans rupture.

C’est le principal enjeu de ces prochaines années. L’avenir est aux médias capables de structurer leurs données, mais aussi l’interactivité entre les utilisateurs et leurs données. Aux médias capable de faire vivre leurs données sur les différents espaces de navigation (mobile, application mobile, les navigateurs des tablettes, des ordinateurs, mais aussi sur Facebook…). C’est à dire faire interagir données et utilisateurs sur un réseau qui sera de plus en plus indépendants de ses supports.

A voir, à ce propos, la conférence de Vin Cerf, l’inventeur de l’Internet, qui partage sa vision du futur. Il imagine une “connectivité omniprésente, qui augmenterait notre rapport sensoriel avec le monde réel”.

4) La disparition des supports

Car l’avenir réside bien dans cette connectivité permanente. Dans l’utilisation du réseau et de la technologie pour nous aider à interagir avec le réel. Ce qui nous amène peu à peu à faire disparaître les interfaces technologiques pour retrouver une interaction naturelle et intuitive avec les données réelles ou virtuelles.

La Wii de Nintendo, mais aussi le projet Natal (Kinect) de Microsoft, font peu à peu disparaître les manettes de jeu au profit de la reconnaissance gestuelle, via différents capteurs. Suivant la même tendance, l’iPhone efface la complexité de l’interface et nous fait retrouver des gestes qu’un enfant adopte intuitivement: tourner des pages, interagir avec notre environnement réel grâce à la réalité augmentée.

Si vous n’êtes pas convaincus par la disparition des interfaces, je vous invite à visionner cette démonstration incroyable d’un ingénieur indien, Pranav Mistry, diplomé du MIT: sa technologie (“SixthSense”) permet de faire disparaître l’outil ordinateur ou téléphone, pour permettre à l’utilisateur d’interagir avec les données partout où il se trouve.

L’avenir est donc bien à la structuration des données dans un univers de connectivité permanente qui s’affranchit des outils, pas à la guerre des supports. Le web est mort ? Peut-être. Le téléphone mobile ? Sans doute dans dix ou quinze ans. Peu importe.

Le web est mort ? Autant se demander si le papier est mort…

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Billet initialement publié sur la Social NewsRoom de Benoît Raphaël.

Crédits Photo CC : Greg MarshallElliot Lepers, Martin U.

(Illustration : Chris Anderson par Robert Shaer)

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